¿Que deviens-tu? pas si anodin!

Collage biologique. GLartis

Une amie (qui lit ce blog régulièrement) réagit à ma question  » que deviens-tu? »

« … le que deviens-tu? m’a agaçée et je ne savais pas quoi dire.  Je dois dire que ce questionnement s’est transformé en : « qui es-tu? ».

Cette réponse m’a, à mon tour, questionné. D’où ma réflexion ci-dessous à propos de ce « Que deviens-tu ? » accrocheur, alternative au banal « comment vas-tu? ».

Il m’est tout d’abord venu à l’esprit la triste complainte du poète Ruteboeuf interprétée par Léo Ferré ou Cora Vaucaire.

« Que sont mes amis devenus… que j’avais de si près tenus et tant aimés… »

Puis, ayant chevauché le Pégase Internet j’ai trouvé d’autres citations dont :

«… l’événement ou avènement est le devenir sous l’aspect instantané, comme le devenir est le « il y a » sous la forme continuée. Qu’il s’agisse de devenir ou qu’il s’agisse d’advenir et de survenir, le temps dans les deux cas est une sorte d’évidence, mais une évidence fondante… »
V. Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, 1957, p. 69.

Le verbe devenir m’est apparu comme un verbe plus riche qu’il n’en a l’air car il contient a(d) venir, changement potentiel et (in) achèvement. D’ailleurs, chacun de nous est heureusement en devenir et c’est le lien fort avec « Deviens ce que tu es » de Pindare qui signifie assume ton présent pour préparer ton futur ? Exploite ton potentiel, cultive tes ressources etc…

Ma question pourrait « devenir » un  « Où vas-tu ? » porteur d’objectif qui est très voisin de « venir vers » ainsi « Comment adviens-tu ? » serait sans doute plus pertinent, sachant que « Où adviens-tu ? » serait un pléonasme. Cela pourrait me convenir si les deux expressions étaient correctes grammaticalement or ce n’est pas le cas car advenir est un verbe intransitif.

Advenir signifie  « arriver, se produire , survenir.

Apparaît alors le souvenir de « Va, va et advienne que pourra » que Robert de Baudricourt adressa à Jeanne la Pucelle et qui contient le présent et le futur ensemble.

Le plus important est le ? et où l’on met l’hameçon et avec quel appât (envie) ? ou bien l’ancre comme le fait le ? inversé à l’espagnole situé avant et après la question comme dans : « ¿Comó estas? »

Réfléchir et être en questionnement sur qui on est, c’est bien mais  au bout du compte concrètement cela donne quoi ? That is the question! To be or not to be. Quiétu est une porte vers inquiétude, le non-repos, le doute. Je suis en mouvement, en émotion.

Je termine par la cerise …si je puis dire pour parler psychanalyse.

Le « Wo Es war, soll Ich werden » de Freud qui n’est pas encore résolu. « Où était le Ça, le Moi doit advenir »  est l’une des traductions. Le Moi ne remplace par le Ça mais il naît de lui. Ainsi le Ça demeure présent et ne s’efface pas mais il fait survenir le Moi. Du marécage des pulsions, émerge la conscience de soi ? Comme un bouchon de liège ou comme un bloc de lave. Un bloc lavé qui s’ébroue et se débarrasse des scories toutes chaudes…

A ce sujet, il existe une discussion intéressante sur cette traduction sur oedipe.org

A plus, c’était ma demi-heure d’attrape-mouches à défaut d’attrape-rêves.

Guy Lesoeurs

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