Depuis 2005, nous avons entamé une réflexion et une recherche sur l’approche transculturelle en santé, d’abord en ce qui concerne l’annonce de la maladie grave aux migrants et ensuite avec un groupe de travail transdisciplinaire que j’ai eu le grand plaisir d’animer sur la problématique de la communication des coordinateurs de prélèvements d’organes et de tissus avec les familles migrantes.
Après plusieurs colloques sur ces sujets (Marseille en 2005, Strasbourg en 2006 en ce qui concerne l’annonce de la maladie), un film et des publications que l’on trouvera dans ma bibliographie, nous avons mis au point avec le groupe de travail aidé par la Fondation Greffe de Vie et Roche, un programme de sensibilisation des soignants à la communication avec les familles migrantes qui viennent de perdre l’un des leurs susceptible d’être un donneur d’organes.
Par une enquête spécifique qui a été communiquée au Congrès Français de Transplantation (décembre 2008) et publiée (notamment dans TRANSPLANTATION PROCEEDINGS, editions Elsevier) nous avons rendu compte de la difficulté des soignants hospitaliers à communiquer avec les migrants et à construire avec les familles un lien permettant d’envisager de manière sereine et éclairée la non-opposition au don d’organes.
En effet, les représentations de la mort, du corps, de l’âme peuvent être trés diverses selon les populations et le soignant, peu familiarisé à ces données anthropologiques et toujours pressé par le temps, est souvent démuni devant le refus des familles qui le motivent par des raisons religieuses.
Le programme que nous proposons aux Equipes hospitalières est constitué d’un film de formation avec deux séquences de jeux de rôles. Ce film le frère venu d’ailleurs Pitch du film « Le frère venu d’ailleurs… » de G. Lesoeurs et T. Ferradji que j’ai co-réalisé avec le Dr Taïeb Ferradji, psychiatre des hôpitaux et qui est co-produit par Roche et SOCRAMED/KeruX permet une discussion en profondeur sur l’approche transculturelle et sur la posture mentale de décentrage de sa propre culture pour admettre celle de l’Autre et tolérer ses incompréhensions. On comprendra que l’objectif n’est pas d’obtenir la non-opposition au don d’organes à tout prix mais de laisser du temps au récit et à l’expression de l’Autre qui n’a souvent pas été sensibilisé à la nécessité vitale du don d’organes.
Avec le Dr Ferradji et quelques membres du groupe de travail, nous animons les réunions avec le film à l’hôpital qui sont organisées par Roche. Ces réunions (au nombre de 7 pour l’instant) rencontrent un très bon écho et s’avèrent trés utiles pour les soignants (Sur 70 participants qui ont rempli les feuilles d’évaluation nous constatons un taux de 100% de satisfaction dont 70% de Trés Satisfaits et le même taux concernant l’appréciation de l’utilité).
Lire le N° Spécial Métisse AIEP Métisse (AIEP) ainsi que le poster FRERE présenté à la Société Française de Santé Publique SFSP de Nantes.
A noter que le film « Le frère venu d’ailleurs » a obtenu le premier prix de la communication AFIDTN (Association Française des infirmières de Dialyse et de Transplantation) et le prix Question d’éthique du Festival de la communication médicale de Deauville 2009 et qu’il a été présenté au Festival du film médical de Leurquin.
Nous effectuerons une conférence sur l’annonce transculturelle de la maladie et l’approche transculturelle du don d’organes au Centre Culturel Français de Tlemcen (Algérie) qui nous a invités début février 2010.
En conclusion, il est nécessaire de rappeler que 30,7% des familles endeuillées ont refusé le prélèvement d’organes en 2008 au lieu de 28% en 2007 (Source Agence de la Biomédecine) et que dans le même temps 13.000 malades étaient dans les listes d’attente de greffe. Il faut aussi rappeler qu’un donneur sauve environ 4 vies et améliore la vie de 3 autres. Il est donc nécessaire qu’un travail de sensibilisation soit poursuivi de manière plus intense auprès de la population, de quelque origine qu’elle soit.
Guy Lesoeurs