Jackson Pollock et le Chamanisme

Jackson Pollock (1912-1956), peintre expressionniste abstrait américain aurait trouvé les sources de son inspiration dans le chamanisme amérindien. C’est ce que cherche à démontrer l’exposition que lui consacre la Pinacothèque de Paris jusqu’au 15 février 2009.

Les hommes ont, de tout temps et de toute culture, recherché des pouvoirs magiques pour tenter d’aménager le monde à leur façon et d’en transcender la vision afin d’atteindre le divin. Cette transformation mentale passe par l’élévation de la nature au rang supérieur, d’où le mot surnaturel très proche de surréalisme.

Le chemin du chamane[1] comme celui de l’artiste passe par l’inconscient et la stimulation par la transe.

La recherche de vision et le voyage chamanique dans l’autre monde se font par la transe, un état modifié ou altéré de conscience obtenu habituellement par une drogue hallucinogène et/ou par une mise en condition par des sons, des chants et des danses.

Le tambour et les clochettes frappés de manière régulière et lancinante majorent et maintiennent l’état de transe qui mène vers le monde invisible où les esprits des êtres de la nature communiquent entre eux sans barrières.

La transformation du chaman en un animal totémique, aigle, condor ou loup etc. est l’une des conditions de son voyage dans l’invisible. La transe chamanique est utilisée avant tout à des fins thérapeutiques-c’est le plus vieux remède du monde-L’utilisation de la transe chamanique est aussi utilisée par les artistes.

Pollock retrouve l’art pariétal des chamans de la préhistoire. Son « action painting » par les gouttes de pigments évadées du pot sur la toile (drippings) ou par écoulement direct du pot (pouring) est un engagement physique. Le geste du semeur de l’artiste s’apparente à celui du medicine-man navajo qui laisse, grain à grain, couler le sable coloré pour en faire un « tableau thérapeutique » éphémère.

Qu’elles soient du chaman et du peintre les mains tamisent la fièvre de la quête dans le filet de puissance mais aussi les fluides, des immanences, le vent de la mort et l’esprit de renaissance. Leurs forces ne sont pas ordinaires, elles viennent des dieux qu’ils ont touchés par leur vol magique, aura de couleurs et d’odeurs animales. L’intention inconsciente guide l’acte concret et sa puissance libérée étonne. Le pigment réveille ou chasse les démons.

Quand la liane des morts fait rêver les intenses couleurs, apparaissent des langues, des bouches, des protubérances et les noires béances des cavernes des âmes, ces multiples enveloppes que nous fait franchir le chaman à force de transe. Car l’Etre, plante, animal, humain, est fait d’enveloppes comme autant de couches picturales, les «âmes » qui survivent à la mort. Le chaman dépecé, lacéré, éviscéré rejoint la terre-mère ou l’eau féconde pour se vêtir de l’enveloppe de son animal totem.

Cette exposition est surprenante et peut être vécue comme un rite de passage. Sacrifice et mort, fusion de l’homme en son double animal ou féminin et enfin germination et naissance. Apologie de la survivance de l’esprit où qu’il se perde, confrontation, l’exposition installe une résonance entre une quarantaine d’œuvres de Pollock, des objets rituels amérindiens et les tableaux d’André Masson, le surréaliste.

La régression de Pollock au niveau des infra-mondes où se confondent esprits animaux, humains et végétaux ramène sur la toile un banquet primitif aux frontières spongieuses. Pollock, analysant jungien, tenta de mettre en action l’inconscient, en tant que lien entre tous les vivants et artisan de transformation du Moi.

Tourmenté, Pollock laisse émerger de son inconscient les formes agiles de la nature et sa nature profonde avec un moi éclaté et reconstitué sur la toile

En contemplant ses oeuvres (bien avant les drippings et pourings) on imagine Pollock en chaman otomi ou navajo, en médiateur entre le monde d’ici et le monde autre. Le sacrifice de la vie triviale, la mutation de l’homme en animal mi mâle mi femelle se situent en contre-toile dans des formes qui s’enroulent et font perdre et renaître l’âme.

Comme si Pollock, revenu d’un fructueux voyage mental, avait agrégé sous sa brosse magique des fragments végétaux et animaux d’un monde où tout communie, comme s’il tentait de reconstituer les enveloppes furtives et quantiques d’un rocher-oiseau ou d’un arbre-pélican.

Comme Pollock, le visiteur-voyeur de l’exposition suit un chemin initiatique, extatique qui le mene au plus profond d’un moi furtif, là où l’esprit des choses et des êtres s’extasie dans un échange de fluides et de pigments. Est-il devenu autre ou advenu, créateur ou catalyseur, fixateur ou sublimateur? Il manque à Pollock le sacrifice ultime de la toile après la création, offrande ultime et sans contre-don possible du potlach ou bien comme l’homme médecine navajo, qui, d’un revers de main efface le bonhomme de sable, l’acte thérapeutique accompli.

Oeuvres à méditer

Untitled (Bold woman with skeleton), 1938-41.

Sacrifice et mort. Foule en transe et flammes  intenses symboles de la mort et de la naissance. Femme nue lovée sur un squelette d’oiseau couché

Man, Bull, Bird, 1938-41

Fusion homme-animal. Taureau, cheval, oiseaux, serpents/ le bestiaire des chamans s’entremêle dans une vision incorporative d’âmes captées. L’homme en catalepsie ou endormi se transforme en son totem.

Composition on paper, 1946

Fusion de l’anima et de l’animus (Jung) de l’homme qui engendre la vie.

Birth, 1938-41

Germination et naissance. Le totem est érigé. La puissance libérée. Toile majeure.

Bibliographie

Costa J.-P. Les chamans hier et aujourd’hui, Editions Alphée, Jena Paul Bertrand, Paris 2007

Clottes J., Lewis-Williams D., Les chamanes de la préhistoire. Le Seuil, 1996

Perrin M. Voir les yeux fermés, arts, chamanisme et thérapies. Le Seuil, Paris, 2007

Restellini M., Desmazières H., Jackson Pollock et le chamanisme. Catalogue de l’exposition, Editions Pinacothèque de Paris, Paris, 2008.

Whitley D.-S., L’art des chamanes de Californie. Le Seuil, Paris, 2000


[1] Le mot chaman (çaman prononcé sramane) vient de Sibérie des peuples Toungouzes ou tungus, par extension on appelle chamanes les guérisseurs amérindiens et des autres continents.

 

Le coaching…aucun enjeu personnel

Le coaching n’est nouveau que par son nom. En effet, personne n’a attendu que le coaching soit baptisé et nommé comme tel pour accompagner les personnes dans leur vie personnelle et/ou professionnelle. Dans la vie personnelle, sans évoquer les fameux « directeurs de conscience  » des religieux, combien de conseils « éclairés » ont été prodigués par des aidants d’expérience.

Dans la vie de l’entreprise, ce rôle de coach était classiquement dévolu au manager dit de proximité qui recevait à des moments de doute et, en tout cas lors des entretiens annuels, les demandes de son collaborateur. Le conseils des collègues permettaient aussi de recevoir un retour salutaire.

Il faut bien identifier la relation d’aide effectuée par un proche ou par le manager de celle réalisée par le Coach. La différence se situe trés clairement dans l’existence ou non d’un enjeu.

Le proche, l’ami qui aide L’autre a forcément un enjeu qui est soit l’amitié, l’affection etc. en tout cas le besoin de conserver le lien avec L’autre et par ailleurs il en a un autre qui est celui d’influencer dans le bon sens, par amitié.

Le manager a bien entendu un enjeu qui est l’exercice de son pouvoir et, quelle que soit son intention, il a aussi l’enjeu d’influencer. Par ailleurs son image de bon manager est aussi en jeu.

Le coach n’a pas et ne doit pas avoir d’enjeu et c’est toute sa force, car l’amitié, le pouvoir, l’influence ne rentrent pas ou ne devraient pas entrer en ligne de compte.

 

L’authentique se cultive-t-il?

Soleil pâle d\'hiver

Commençons par un haiku, petit poème japonais…

Masque d’hiver pâle

Rosée gelée

Attendre

L’authenticité d’une personne est synonyme de sincérité, c’est-à-dire « ce qui exprime la vérité profonde de l’individu et non des habitudes superficielles (p.1024, Le Grand Robert de la langue française, 2001).

Je pense que la valeur authentique est ce qui se laisse voir d’une personne sans qu’elle en ait vraiment conscience c’est-à-dire la sincérité (du latin sin cerus : sans cire): ce qui transparaît  en dessous du vernis ou du fard. C’est la raison pour laquelle je pense que l’on peut cultiver et travailler son « authentique » (le rendre plus conscient) pour être plus heureux avdec soi-même et aider les autres.

« Je voudrais, tout le long de ma vie, au moindre choc, rendre un son pur, probe, authentique. Presque tous les gens que j’ai connus sonnent faux. Valoir exactement ce qu’on paraît, ne pas chercher à paraître plus qu’on ne vaut. » A. Gide, Les faux-monnayeurs, II, 4.

Les synonymes d’authentique sont : sincère, juste, naturel et vrai.

Perception de l’image juste et représentation du vrai, l’authentique s’exprime dans la façon de se dire.

Guy Corneau, dans sa préface au livre de Thomas d’Assembourg « Cessez d’être gentil, soyez vrai » (Les Editions de l’Homme, Montréal, Québec, 2001) écrit « Exprimer sa vérité dans le respect d’autrui et le respect de ce que l’on est.[…].comment reprogrammer notre façon de nous exprimer, notre façon de nous dire »

L’authentique, adjectif devenu substantif, serait cette indéfinissable vibration de la valeur de soi que les autres perçoivent. Cela étant, s’il est imprudent d’affirmer que l’authentique n’existe que par le regard de l’autre, peut on être authentique par rapport à soi-même tant il est vrai qu’il nous arrive  de nous mentir?

L’authentique ne serait-il pas simplement « être soi-même » exprimé par le mot lacanien parêtre, ce Je subjectif énoncé opposé au paraître, ce Moi objectif imaginé?

Ayant dit et discuté ces points de réflexion avec les six participants trés motivés d’un très récent et dense séminaire de 5 jours de développement personnel que j’avais le plaisir d’animer, leurs réactions m’ont confirmé que cette question de l’authentique est vraiment centrale et …authentique en coaching de management et de vie personnelle.

Questions à se poser

  • Peut-on et comment travailler son « authentique » ?
  • Doit-on travailler son authentique au risque de ne plus « parêtre » naturel, paraître masqué, et d’habiller sa vraie nature d’un vernis plaisant ou plutôt « plaisable »?
  • Peut-on devenir authentique?
  • L’authentique en management est-il souhaitable, sachant que le manager qui se dirait authentique doit accepter d’être vulnérable et en quelque sorte prédictif ?
  • Doit-on risquer sa propre vérité et sincérité dans le jeu de l’entreprise ?

Me reviennent en mémoire les paroles de Ed H. manager américain d’un laboratoire suisse que j’ai bien connu et qui affirmait haut et fort à ses collaborateurs: « With me, you will get what I am ! » (Avec moi, vous aurez ce que je suis) c’est à dire je serai bien celui que vous avez devant vous et pas un autre déguisé.

Fermons la boucle! Quand le paraître (le Moi objet imaginé par vous et moi) ne fait plus qu’un avec le parêtre (le Je subjectif énoncé) et que la pensée rejoint le discours, c’est à dire quand la perception rejoint la représentation.

Alors authentique = la valeur d’être soi …même. Suite au prochain numéro.

 

Sarayacu (4)

Rio Bobonaza

 

Flash back…Départ de Puyo (8h). Le guide nous montre un sommet enneigé, très loin, le Sanguay dont on dit que son cratère contient des mauvais esprits. Nous rejoignons en taxi 4×4 le petit port fluvial de Canelos, sur le Bobanaza, affluent du Pastaza, lui-même affluent du Maranon (Amazone). Deux pirogues longues de 6 mètres (troncs d’arbres creusés) nous attendent. Nous les chargeons de nos sacs et des cartons de matériel [fournitures d’école pour les enfants de Sarayacu] enveloppés dans de grandes feuilles de plastique. Marc et Sonia ont placé les médicaments, les compresses etc. dans des sacs étanches. Nous revêtons nos ponchos et nous nous asseyons au milieu de la pirogue sur des caisses en bois pour ne pas avoir le derrière qui baigne (nous l’aurons au sec les cinq premières minutes!). Les pirogues sont propulsées par des Yamaha 40 cv. Nos pilotes sont expérimentés. Nous naviguons dans le sens du courant. L’eau est limoneuse à souhait et bouillonnante. Impressionnant. Départ, roulis, et des averses chaudes. C’est parti pour environ huit heures sur le fleuve qui est gros de pluie. Cap sur Sarayacu.

Sur le rio Bobonaza, la chicha est de rigueur

Je revois les pages des livres d’exploration des années 30 notamment celui de Bertrand Flornoy (que j’ai en plusieurs exemplaires d’éditions différentes!). Haut-Amazone Trois français chez les indiens réducteurs de têtes, Plon 1939 :

Extrait
« On vérifie les caisses et les pirogues dont certaines sont rongées par la proue et font eau. Le padre qui assiste à cette agitation, nous mène dans la pièce qui lui sdert de bureau et de chambre. Il ouvre un registre plein d’enseignements dans sa rigueur. Les riverains du Bobonaza qu’ils a baptisés sont alignés l’un sous l’autree. Dans la colonne de droite, parfois une croix, une date et la cause de la mort : fièvres, pian, malaria, assassiné pae les Jivaros, assassiné par les Murato, disparu en forêt… Avec un bon sourire, le padre referme son livre et nous fait cadeau d’une liste de plantes médicinales de la région et de leur application thérapeutique. Certaines ont des noms évocateurs : Llaguar-fanga, feuille de sang, Amaron nagui, oeil de boa, contre les hémorragies, Nina caspi, bois de feu… Pour le reste, à la grâce de Dieu! »

Ce matin, 10h pas de padre pour bénir notre voyage! Le fleuve est le même. Les Jivaros ne réduisent plus les têtes… quoique!  Ca y est! Tintin retourne chez les Picaros!….

à suivre

Commencer par coacher ses amis…pour ou contre

Question de D. qui se lance comme Coach libérale:

« J’ai une question à soumettre qui me préoccupe: depuis que j’ai annoncé à mon entourage que j’allais me lancer dans ma « micro entreprise au réel simplifié » (j’adore ce terme) de Coaching, j’ai déjà reçu 2 demandes de copines (non intimes, juste « camarades ») qui ressentent en ce moment le besoin d’être coachées sur une problématique professionnelle, et me demandent de les coacher formellement, en respectant le cadre bien sûr (convention, tarifs etc): qu’en pensez-vous? D’un côté, je me dis que si je ne commence pas par coacher mes copines, par qui je vais commencer?! Et d’un autre, je me demande si c’est aussi efficace, du fait que j’ai des infos sur elles? déontologique? (cf les psys qui prennent pas les conjoints ou les fratries etc); est-ce que ça vous est déjà arrivé?
Merci pour vos conseils »

Réponse

Bonjour D.
Pour répondre à ta question très légitime, voici quelques éléments de réflexion.

D’abord, se poser la question est une posture qui t’honore et qui fait démarrer ton activité sur de trés bonnes bases éthiques.

Rendre service aux personnes que l’on connaît est un réflexe très naturel; de même que nous avons tous tendance à demander d’abord un service aux personnes que l’on connaît. Or, il faut se dire que ce n’est peut être pas la meilleure solution…

Ce serait un peu comme demander à un avocat ami de plaider pour nous, un médecin de notre famille de nous soigner etc. Si je me réfère à un réglement de conflit entre deux personnes que l’on connaît qui vous mettent en position d’arbitre ou de médiateur, (a fortiori si le médiateur ne connait que l’une des personnes), il ne me semble pas possible déontologiquement de les aider à régler leur différend.

Dans le cas du coaching, il serait certes mieux d’accompagner des personnes que tu ne connais pas ou trés peu et qui te sont envoyées par un ami ou une relation. En effet, il est beaucoup plus difficile de coacher des personnes que l’on connaît mais cela ne me semble pas impossible.
Par ailleurs, de ce que je sais, je ne vois pas d’interdit déontologique à coacher quelqu’un que l’on connaît. Il est simplement nécessaire d’être beaucoup plus vigilant sur l’interaction.

Quelles sont les contraintes, les menaces et les précautions?

  1. Il faudrait savoir bien se décentrer de sa représentation antérieure de la personne [c’est bien sûr très théorique car, de toute façon, l’interaction prendra en compte, inconsciemment de part et d’autre ces représentations antérieures]. Il faut donc se résigner (terme négatif) ou mieux être très content (côté positif) de pouvoir faire jouer ces représentations. Ainsi lors du premier entretien (dit de faisabilité), énoncer, de part et d’autre, la représentation que l’on a de l’autre me semble nécessaire. Ne pas le faire pourrait situer l’interaction sur un plan factice et chacun sait que le coaching ne peut travailler que sur de l’authentique.
  2. Ce coaching ne peut se faire que sur une problématique professionnelle. Cela ne serait pas raisonnable sur du « coaching de vie ».
  3. Attention aux effets délétères qui sont

    • Manque de crédibilité,
    • Le fait que ces deux copines « essuient les plâtres » d’une activité débutante,
    • Difficulté de se positionner comme coach impartial,
    • Un prix trop négocié, symbolique car « je ne peux pas te prendre le vrai tarif !» placera ta prestation à un niverau de valeur faible.
    • Ne pas aller jusqu’au bout et se contenter d’un coaching accéléré ou tronqué

Quels sont les bénéfices et les opportunités

  •  
    • C’est une opportunité à saisir, car il faut bien commencer et, peu ou prou, nous avons tous commencé comme cela. Après c’est le bouche à oreille
    • Cela peut être très efficace, ce d’autant qu’un climat amical est déjà établi.
    • La confiance (élément essentiel) est donnée a priori et il faudra la mériter encore plus car tu as été choisie.

Si cela ne te dérange pas, je mettrai cette réponse sur mon blog en l’anonymisant, bien sûr et je pense que j’aurai des réactions intéressantes.

Guy Lesoeurs