Que voilà un livre peu ordinaire, comme je les aime. Une sorte d’anthropologie du quotidien, pour reprendre cette dernière expression chère à mon ami éditeur Jean Ferreux qui en a fait le titre de l’une de ses (nombreuses) collections.
A vous lire sur ce livre…
Guy Lesoeurs
Vient de paraître
Le puzzle philosophique
Jiri Benovsky
Ouvrage illustré par Sabine Allard
Préface de Pascal Engel
À partir de combien de cheveux en moins devient-on chauve ? Sommes-nous des cerveaux dans des cuves ? Le voyage dans
le temps est-il possible ? Le passé et le futur existent-ils au même titre que le présent ? Sommes-nous identique à la personne que nous étions hier ? Une statue et le morceau d’argile dont elle est faite constituent-ils un seul et même objet ou s’agit-il de deux objets distincts ?
Jiri Benovsky aborde quelques grands problèmes philosophiques par le biais de cinq petites histoires, qui renvoient les unes aux autres à la manière de pièces d’un puzzle et nous fournissent l’occasion de discuter du « problème du vague », de poser la question du scepticisme quant à l’existence du monde extérieur, ou encore de se demander quelles conceptions du temps et de l’identité adopter.
Ce livre s’adresse donc aussi bien au lecteur débutant en philosophie, qu’au lecteur plus averti qui aura plaisir à reconnaître, traités dans un style alerte et drôle, des problèmes complexes et fascinants.
« Les théories discutées ici sont difficiles. Mais Jiri Benovsky nous donne le maximum de chances de les évaluer. Rien de moins élitiste et de moins snob que l’activité consistant à offrir à ses lecteurs des raisons, et à s’adresser chez eux à la capacité de raisonner pour en trouver des contraires ou de meilleures. C’est pourquoi ce livre est l’une des meilleures introductions à la philosophie qu’il m’ait été donné de lire. » Pascal Engel
ISBN 2-916120-16-4
144 p. – 17 €
JIRI BENOVSKY, né en 1978, est chercheur et enseignant en philosophie contemporaine à l’université de Fribourg, en Suisse. Il s’intéresse principalement à la métaphysique et aux questions liées à la nature du temps auxquelles est consacré son livre Persistence through Time, and across Possible Worlds, paru en 2006 chez Ontos Verlag. www.jiribenovsky.org
SABINE ALLARD, diplômée de l’École supérieure des arts décoratifs, a illustré l’ouvrage. www.sabineallard.com
Léon Ouaknine, notre ami français du Canada, vient de publier aux Editions Grenier à Montréal : » Il n’y a jamais eu d’abonné au N° que vous avez appelé! Conversations entre un père et sa fille » (285 pages, 19 dollars canadiens), un ouvrage que nombre de bien-pensants classeront dans les ouvrages iconoclastes ! Et ils auront bien raison, pour une fois !
Mais le livre de Léon va beaucoup plus loin que le pamphlet anti-clérical ou anti-Dieu , il est l’œuvre d’une pensée lucide au travail qui tente de démonter les effets malsains des croyances et des establishments religieux. Léon s’attaque aux croyances établies et aux idées reçues par les hommes d’un dieu qu’il soit chrétien, judaïque ou musulman.
Je ne dirai pas que Léon est athée car ce serait l’affubler d’une croyance, celle de l’inexistence de dieu (au passage, remarquez que je ne mets pas de majuscules au mot « dieu » ; non pas que je sois sous influence car Léon continue lui d’en mettre une- ce qui me semble un reliquat de respect même à l’inexistant- mais parce que je décide dans cet article de le prendre comme un objet et non comme un sujet).
Laïc : c’est le mot qui pourrait le mieux s’approcher de Léon à condition qu’on lui colle l’adjectif « raisonnable ». Léon est un laïc « plein d’usage et raison » qui est revenu … au Québec « pour vivre entre ses parents le reste de son âge » (du Bellay).
Voilà pour l’auteur. Quant à Stéphanie, sa fille, plutôt qu’un faire-valoir des idées de Léon, elle lui apporte par ses questions une réplique intelligente sans naïveté feinte.
Cet ouvrage est une vraie et belle thèse c’est-à-dire que Léon démontre pourquoi l’individu et le groupe ont eu besoin de religion « l’un des plus forts agents que l’humanité ait jamais inventé pour unir, solidifier et préserver les caractères spécifiques des groupements d’homo sapiens depuis ses débuts en petites bandes familiales jusqu’à la tribu et la nation » (p.79) . Léonanalyse, avec sa fille, les preuves de l’inexistence de dieu et surtout en montre toutes les conséquences politiques, éthiques et civilisationnelles.
Pour reprendre une phrase célèbre à propos de la liberté : religion, que de crimes commis en ton nom ! De l’inquisition au jihad islamique en passant par les dragonnades qui poussèrent à l’immigration mes ancêtres (oui les miens) vers Saint Hélier et Londres !
« Quoi de commun entre les attentats contre des cliniques d’avortement aux Etats-Unis et le jihad islamique en Algérie ? Quoi de commun, si ce n’est le refus de la liberté de l’autre au noms de valeurs sacrées, révélées en d’autres temps et d’autres lieux, par les messagers de Dieu ! » (p.13)
A Stéphanie qui s’étonne : « les religions n’ont pas les mains nettes. Pourquoi malgré tout jouissent –elles d’une telle impunité ? » Léon répond « Pour deux raisons : d’abord parce que la religion agit comme une force de cohésion ethnocentrique de son troupeau…[…] cette impunité tient à sa fonction d’intermédiaire pour l’obtention de l’absolution divine des actes mauvais. […] comment oser , dans ces conditions, interpeller la religion, intercesseur auprès du ciel , pour exiger qu’elle rende des comptes ; peu de gens s’y risquent. » (pp.80,81).
Il faut aussi dire, mon cher Léon, que l’histoire proche nous montre qu’en religion comme en politique, les pervers, les fanatiques sont ceux qui sont le plus facilement crus au détriment des gens de bon sens, ceux qui ne font pas de bruit. Les croyants, manipulés et soutenus par leurs prêtres extrêmists, se livrent alors aux pires excès. Je suis aussi déçu que Cabu par l’attitude on ne peut plus tiède des religieux qui savent faire la part des choses, et il y en a beaucoup.
» Je suis frappé de voir, en ce qui concerne les musulmans, à quel point les modérés ne s’expriment pas et laissent faire des choses terribles en leur nom. » Cabu, dessinateur.
Léon Ouaknine est donc un homme de raison et de savoir. Il écrit « qu’il ne se cache pas d’un parti pris délibéré pour la raison sur la foi, pour la connaissance sur la croyance, pour l’éthique réfléchie sur les catéchismes en tous genres. Ce choix n’est pas arbitraire. L’usage de la raison offre une prise argumentée du réel, ce que ne font pas les religions, réduites à la foi, aux incantations et aux prières. »
Dans un monde idéal fait de respect mutuel et de bonne entente entre les terriens, le fait de croire au sacré ne devrait pas altérer le jugement au point de commettre des crimes contre la liberté. Utopie de ma part ?
Dans sa conclusion, Léon va plus loin en opposant Dieu et la Raison (mettons des majuscules!) et il nous dit clairement que l’esprit humain traîne la religion comme un boulet depuis des temps immémoriaux et que cela va aujourd’hui encore l’empêcher de relever de nouveaux défis. Ainsi, s’affranchir de la religion devrait être faire partie le viatique pour le futur, pour un autre Etre humain.
Ton livre m’a breaucoup fait réfléchir … moi qui mets mon espoir en l’homme et qui pense que Dieu existe et qu’il est en nous… Le reste n’est qu’histoires de prêtres de toute confession et cela ne m’intéresse pas plus que les arguments pour ou contre les minarets à côté du château Frontenac, de la cathédrale de Bâle, du Musée du Louvre ou de la chapelle des Baux de Provence…A te lire, Léon..
Tiré d’un texte de Corinne Arnould de l’Association Paroles de Nature
La déforestation est une réalité quotidienne pour les dernières communautés indiennes d’Amazonie : elle représente la mort de leur milieu de vie et la fin de leur culture. Parmi les causes, figure en bonne place l’exploitation du pétrole.
Face à l’avancée des compagnies le peuple indien Kichwa de Sarayaku, en Equateur, a choisi de faire face. Depuis plusieurs années, il refuse obstinément toute pénétration sur son territoire afin de préserver son héritage naturel et culturel. Le projet de ce peuple a ainsi une portée universelle ; son ambition est la valorisation de ses traditions, de son mode de vie, de ses croyances, de sa culture…
Les menaces persistent : le 8 mai 2009, le Ministère des Mines et du Pétrole Equatorien a notifié la reprise des opérations d’exploitation des hydrocarbures dans les blocs 23 et 24 incluant les territoires du peuple Kichwa de Sarayaku et des communautés Achuar et Shuar de la Région Amazonienne.
Inspiré par les Yachaks (shamanes), le projet « Frontière de Vie » est la création sur le pourtour du territoire de Sarayaku, 300 kms de long et 135 000 hectares de forêt primaire d’une immense frontière d’arbres à fleurs de couleurs. Un symbole à valeur universelle émergera ainsi lentement de la forêt amazonienne, vivante incarnation du désir universel de paix et de protection de la Terre. Ce sera le message de tout un peuple, élan vital, expression de sa volonté farouche de préserver son mode de vie, mais aussi, de créer avec nous une vaste solidarité planétaire.
Une analyse réaliste de l’évolution des perspectives politiques et démographiques actuelles concernant les forêts primaires tropicales aboutit à la triste conclusion que, si rien n’est fait, leur destruction généralisée est, à terme, inéluctable. L’exploitation forestière forcenée et l’extension de l’agriculture en sont les principales causes. Le déplacement et l’acculturation programmée des peuples autochtones, fins et légitimes connaisseurs des écosystèmes forestiers, nous prive du précieux savoir dont ils sont détenteurs.
Dix à vingt millions d’hectares de forêt amazonienne disparaissent chaque année. Disparition sans retour, car on ne sait pas reconstituer un écosystème forestier complexe.
Les peuples de la forêt sont les premières victimes de la destruction de leur environnement. Autrefois nomades, chasseurs et cueilleurs, leur prélèvement sur les ressources naturelles s’est toujours inscrit dans le respect des équilibres vitaux. Aujourd’hui, la modernité arrive avec tout le cortège des maux de notre civilisation. Perte d’identité, acculturation, alcoolisme, dislocation des cellules familiales et sociales sont ainsi devenu les maux quotidiens des hommes de la forêt. Quelques uns, cependant, ont décidé de réagir et de construire.
En attendant une prise de conscience globale de l’importance vitale que revêt la préservation des forêts primaires et des cultures qu’elles abritent, les initiatives de sauvegarde de ces patrimoines émanent d’associations qui luttent pour ne pas laisser se rompre les fils qui relient l’homme à la nature. Leur mission est d’importance.
Peut-être, grâce aux associations citoyennes, verrons-nous un jour un chamane amazonien couronné par un prix Nobel, au nom de sa tribu et de ses ancêtres, pour l’ensemble de ses connaissances botaniques et la sagesse des relations écologiques qu’il entretient avec son milieu. www.parolesdenature.org
Sarayaku, peuple de l’Amazonie équatorienne, lutte depuis 20 ans contre la destruction de son territoire et de sa culture par les compagnies pétrolières
• Leurs droits élémentaires sont bafoués: violences extrêmes contre les personnes, destruction du territoire,…
• Leur situation est emblématique des enjeux du pétrole : jusqu’où sera t-on capable d’aller pour sauvegarder notre mode de vie ?
• Ses dirigeants sont placés sous protection d’Amnesty International ; la cause de Sarayaku a été validée par la cour Inter-Américaine des droits de l’homme
• Le projet de ce peuple a ainsi une portée universelle ; son ambition est la valorisation de ses traditions, de son mode de vie, de ses croyances, de sa culture.
Sur RFI une émission sur Sarayaku …
Il est possible de télécharger le lien vers le fichier audio
Dernière minute : Copenhague : le Parlement Européen adopte l’amendement 62 concernant le droit de propriété collective et autonome des peuples indigènes.
De Rio à Copenhague, les dirigeants des pays ont tenté d’adopter des mécanismes permettant de limiter le changement climatique ce qui a entraîné des impacts négatifs sur les populations autochtones, peu ou mal reconnues dans leurs pays respectifs. L’essor des bio-carburants, par exemple, augmente la déforestation massive amazonienne pour des cultures intensives de colza. Ainsi, sous le prétexte de protéger la planète, des expropriations, des déplacements de populations hors de leur lieu de vie, la constitution de réserves sont monnaie courante. Ce qui est le plus important : que les peuples autochtones soient consultés dans de vraies discussions pour organiser l’espace et leur permettre de gérer l’environnement avec les Autorités.
« L’obligation imposée aux Etats d’organiser des consultations démocratiques des peuples autochtones lors la mise en place de projets sur leurs territoires s’est trop souvent conclue par de vastes fumisteries. Notre amendement pourra, nous l’espérons, permettre aux peuples autochtones de décider eux-mêmes de quels projets environnementaux ils souhaitent créer sur leurs territoires. » (Députée Européenne Catherine Grèze).
At the end of this article , you will find the text in English
« J’ai fait dire à la matière l’inexprimable » (Brancusi).
Un homme, une matière, du feu voilà comment on pourrait résumer une vie d’artiste.
Rémy Vigne est un jeune et prometteur créateur de mobilier design en acier qui habite Raphèle les Arles entre Camargue et Alpilles. Rémy est passionné par l’acier, le design et l’art contemporain et il expose ses œuvres en France (Marseille, Colmar, Nîmes) en Allemagne ainsi qu’en Tchékie et Slovaquie. Maître du feu, adepte inconditionnel de la forge, il s’épanouit en créant ses œuvres à partir de cette matière complexe et imprévisible qu’est l’acier.
Pour lui, l’inspiration vient en travaillant la matière par les techniques du froissé et du plissé. Chaque œuvre de Rémy est le résultat d’un corps à corps fougueux et fusionnel entre deux âmes authentiques, sincères et sans concession : la sienne et celle de l’acier. A chaque fois, il remet tout en question et s’engage dans un perpétuel défi car il ne peut préjuger des réactions du métal.
Le voici à l’œuvre. L’esprit guide les gestes ; le choc pertinent du marteau et la vigueur mordante du feu révèlent l’âme du fer qui dormait, jusque là inconscient. La matière résiste, crie et s’empourpre de colère avant de consentir à devenir malléable, un court instant. Le moment est précieux car, dans son incandescence et son innocence, le métal se détend, sort de sa gangue, se plisse et se creuse de pleins et de vides qui seront bientôt figés dans une expression pathétique et immuable. C’est alors que le plein résonne et fait écho au vide. La métamorphose alchimique mêle connexions neuronales, sueur, chaleur et fer.
Le métal retrouve sa terre-mère, terra-magma, pour renaître et paraître dans le jardin public, la terrasse ensoleillée ou l’intimité d’un salon.
La sculpture de Rémy est aussi la rage contenue, la souffrance extirpée, la larme arrêtée et figée et l’esthète comblé sent vibrer dans la voile d’acier bien poli et verni l’âme du tourmenteur d’acier.
Le marteau, par le geste frappé au cœur,
Réveille du fer l’antique allégeance,
L’enclume reçoit le rouge intense.
Alternent transe et danse
Sous le rouge désir du sculpteur.
Le sculpteur doit trouver l’équilibre des masses, jouer sur les pleins et les vides, les plis et les froissés et rendre le tout esthétique et expressif. Pour cela, il lui faut sans cesse casser et recommencer. Attendre le moment où l’osmose mental-métal se réalise. C’est pourquoi il lui faut être patient et rester dans le mouvement pour trouver l’accord.
Parmi ses œuvres expressives et osées, nous sommes restés ébahis devant sa dernière création « bar bare » un bar hypermoderne aux lignes fluides et au dessin vigoureux qui mêle l’esthétique au pratique. A acheter sans modération. Nous aimons aussi sa chaise longue et son fauteuil-langue. Nous lui avons acheté « Souffrance » une grande sculpture d’une seule pièce faite d’une tôle froissée très évocatrice.
Un documentaire « Le rêve de Vulcain » (DVD 10’) réalisé par Edouard Leduc de Quadrimage vient d’être consacré à Rémy Vigne.
Rémy Vigne, sculpteur, créateur de mobilier, ferronnier d’art (Raphèle les Arles)
A man, a material, the fire … could be the shortest definition of this artist.
Rémy Vigne is a young and a very promising creator of modern design furniture made of steel, who lives in Raphèle les Arles, a small village between Camargue and Alpilles. Rémi loves steel, design, furnitures and contemporary art. He exhibits his pieces of work in France (Marseille, Colmar, Nîmes) and in Germany as well in Slovakia. Master of fire, he likes to work with this complex and unpredictable material that is the steel.
Every Rémy ‘s single piece of art is the result of a passionate struggle between two sincere souls the one of the metal and his spirit. This is a perpetual challenge because he cannot anticipate how the metal will behave.
Here Remy is at his forge. His mind drives his gestures : the recurrent shock of the hammer and the incisive vigour of the fire reveal the soul of the iron which was until this moment sleeping and unconscious. The material resists, cries with flushes of anger before granting to become moldable, for a very short moment. This the time when the metal relaxes, step out from its gangue. We are at the core of plasticity of Remy’s brain and the heartt of steel. This is an alchimic metamorphosis between neuronal connections, sweat, heat and iron. The metal return to his mother Earth and under fire is reborn and appears in the public garden, the sunny terrace or the intimacy of a lounge.
The sculptor balances the masses, plays with the heights and spaces, in order to meet the aesthetic meaning. For that purpose, he has to stop and go, waiting for the magic moment when the osmosis mental-metal comes true.
Among many wonderful Remy’s art works, we love his last creation » bar-bare » a hypermodern bar with very fluid lines (To buy without moderation). We also like its deckchair and its tongue-armchair. We have bought « Suffering » a tall sculpture of a single piece of steel that we placed in our garden in Provence.
A documentary film « Le rêve de Vulcain » (DVD 10’) has been realized on Remy Vigne’s design work.
Rémy Vigne, sculptor, creator of furnitures in steel, designer(Raphèle les Arles)
Léon Ouaknine est un français vivant à Montréal. Il a travaillé à l’Hôpital Sainte Justine comme conseiller pour la planification stratégique et a exercé, enFrance, comme consultant dans le domaine de la santé et de l’organisation des systèmes de soins, Léon est retourné avec sa famille au Québec. Il continue à travailler dans le domaine de la santé et du social, il est membre du Conseil Interculturel de la ville de Montréal. Nous travaillons en duo à un ouvrage sur la bienpensance et Leon vient de publier aux Editions Grenier à Montréal, un livre« Il n’y a jamais eu d’abonné au N° que vous avez appelé ! Conversations entre un père et sa fille.Voici son article que je publie sur mon blog dans « humeur canadienne ». Bien entendu, les propos n’engagent que son auteur et la discusion est ouverte.
Guy Lesoeurs
Non à la burqa dans l’espace public
Lorsque deux personnes se rencontrent, elles procèdent dans un même mouvement à deux opérations inhérentes à toute vie sociale : chacune s’identifie et simultanément essaie de décoder les intentions de l’autre à son égard. Elles s’identifient essentiellement par le visage, lequel est par définition l’affirmation probante de qui on est – nos photos sur les cartes d’identité ne nous montrent pas de dos ou de profil mais de face. Elles décodent les dispositions de leur vis-à-vis, non comme le chien par son odorat ou le frétillement d’une queue, mais en lisant littéralement le visage qui leur fait face, parce que chez l’homo sapiens, la vue est l’organe prédominant par excellence – ce sens lui apportant 80% de toutes les informations qu’il utilise. Toutes ou presque toutes les émotions fondamentales de l’homme s’expriment sur son visage : amour, amitié, joie, plaisir, respect, tristesse, mais aussi agressivité, énervement, rage, colère, peur, calcul. Le visage est un livre ouvert, il reflète plus ou moins fortement l’état mental du sujet, et hors les autistes, tous les êtres humains savent instinctivement et la plupart du temps très correctement lire ce qui est basique sur les visages. Ce processus est automatique, hors du contrôle de la volonté. Il advient en un clin d’œil, travail inconscient mais très efficace. Cette faculté innée s’appuie sur une structure physiologique particulière. Le Dr David Zald[1], professeur de psychologie à l’université Vanderbilt du Tennessee, a mis en évidence que le complexe amygdalien, une petite partie du cerveau, traite les images de visages menaçants ou marqués par la peur beaucoup plus vite (quelques millisecondes) que toute autre émotion, preuve selon le Dr Zald que face à une menace potentielle, l’impératif de survie immédiate prime sur tous les autres. Bien entendu, il arrive à chacun de parfois mal décoder les intentions de l’autre, soit par manque de vigilance, soit parce qu’on a affaire à des gens qui présentent délibérément un visage lisse et indéchiffrable, mais on se méfie habituellement de ceux qui camouflent leurs états intérieurs et on agit avec plus de prudence avec eux.
La biologie impose à tout homme le besoin de déchiffrer sur le champ l’état mental de tout interlocuteur surgissant dans son espace d’interaction, la culture prend ensuite le relais pour codifier les réactions en retour. Même vis-à-vis de l’être aimé, chacun sait qu’il faut ajuster ses dires et ses comportements selon l’humeur du moment. Or on n’a encore rien inventé de mieux pour savoir presque instantanément comment se comporter dans le rapport avec l’autre, que de scruter le visage de celui-ci. La biologie et la culture expliquent ainsi pourquoi aucun vivre-ensemble n’est pensable dans une société masquée.
Et pourtant, aujourd’hui, notre société est confrontée à une infraction potentielle à cette obligation sociale d’avancer à visage découvert dans le cadre du vivre-ensemble, celle que font peser les pratiquantes volontaires ou forcées de la burqa. Examinez la burqa et que vous dit le visage caché ? Il ne veut être ni identifié ni être lu, le contraire des impératifs biologique et culturel élémentaires du vivre-ensemble. L’emburquinée ne veut pas d’interaction sociale dans l’espace public, toutefois elle exige de profiter des services sociétaux. Si elle hèle un taxi, elle considérera comme une atteinte à ses droits que celui-ci refuse de la prendre au motif qu’elle est masquée et qu’il lui est donc impossible de l’identifier et de lire son visage. Même situation avec le chauffeur d’autobus, même inconfort des autres voyageurs dans une rame de métro, même désagrément du marchand. Un problème se pose ! Si l’emburquinée refuse les conditions sine qua non de toute interaction sociale dans l’espace public, pourquoi ses vis-à-vis fournissant des services publics ou marchands dans cet espace commun sont-ils légalement obligés de transiger avec elle ? Au nom de quel principe peut-on leur imposer cette obligation alors qu’une des conditions de toute transaction humaine manque à l’échange ? C’est ce déséquilibre dans l’échange social qui explique pourquoi la grande majorité de la population se sent mal à l’aise à la vue de ces fantômes noirs, c’est ce refus de la plus élémentaire des transactions humaines qui explique pourquoi l’emburquinement est inacceptable dans des sociétés basées sur le respect mutuel.
Le refus de la burqa dans l’espace public est-il un signe d’intolérance comme l’affirment deux personnages bien connus, le philosophe Charles Taylor, ex président de la commission Bouchard/Taylor sur les accommodements raisonnables, et l’avocat spécialiste des droits de l’homme Julius Grey. Dans le quotidien La Presse du 9 octobre 2009, le premier déclare, « On commence avec la burqa et on finit avec quoi ? » le deuxième « Moi-même, je peux sortir habillé en Rigoletto ou porter un chapeau haut de forme ». Face à ces affirmations, comment réagiraient messieurs Taylor et Grey si des naga sâdhus, indous très pieux qui vivent intégralement nus et qui par leur dévotion remplissent un rôle religieux très important aux yeux des adeptes de l’indouisme, décidaient d’exercer leurs droits religieux à Montréal ? Pourquoi ne pourraient-ils pas vivre nus sur la place publique, si à l’autre bout de l’éventail on tolère au nom du respect des croyances religieuses de chacun, le noir enfermement de la burqa sur cette même place publique ? La loi et les règlements n’interdisent pas aujourd’hui la burqa dans l’espace commun, mais ils interdisent la nudité intégrale partout, sauf en privé ou dans les camps de nudistes. Sur quel article de la charte des droits et libertés s’appuierait-on pour autoriser la pratique de la burqa et interdire la pratique des naga sâdhus ? J’aimerais bien avoir du philosophe politologue Taylor et du juriste Grey une réponse franche et directe à cette question ? On dira bien sûr que cette situation est hypothétique et improbable vu le type de climat du Québec. C’est vrai, mais ce qui importe ici, c’est de réaliser que la volonté d’accommoder les diverses coutumes et multiples impératifs religieux dans l’espace public ne peut manquer de générer des tensions entre les diverses sensibilités religieuses dont beaucoup sont par essence totalitaristes, puisqu’elles prétendent régenter du lever au coucher toutes les pratiques humaines de leurs fidèles. Le principal et premier champ de bataille demeure, on s’en doutait, la femme ! Lorsqu’au sein d’une société, les valeurs défendues sont mutuellement exclusives, le vivre-ensemble est sur une pente dangereuse.
Certains avancent l’argument d’un biais culturel pour ne pas dire raciste de la part des détracteurs de la burqa, puisque ceux-ci ne s’objectent pas aux habits ostentatoires des religieux chrétiens ainsi que des juifs hassidiques. Je répondrais qu’il y a dans ces deux exemples, une différence absolument fondamentale d’avec la burqa. Les nonnes et curés et même les hassid – qui découragent pourtant l’interaction des leurs avec les autres – se promènent à visage découvert et par là, ils respectent les deux impératifs biologique et culturel de toute société : s’identifier et laisser lire leurs visages. D’autres diront qu’il est faux d’affirmer que ces deux impératifs soient une nécessité fondamentale de toute collectivité, puisqu’ il y a des sociétés où l’emburquinement des femmes est général et que pourtant ces sociétés existent depuis des siècles. C’est vrai et faux. Ces sociétés perdurent mais au prix de l’exclusion de la moitié du genre humain. Imaginons un instant une société idéalement égalitaire face à la burqa, où les hommes également auraient l’obligation de la porter ; combien de temps cette société pourra-t-elle perdurer ? Poser la question, c’est y répondre ! Non, le refus de la burqa ne relève ni d’un biais culturel, ni d’un biais antireligieux. Invoquer l’un ou l’autre traduit, soit une indigence de la pensée, soit une manipulation délibérée, soit et c’est le pire, la confusion entre racisme et défense de la laïcité chez ces chantres de la bienpensance.
Le débat sur la burqa est un des épisodes de la poussée obscurantiste qui vise avec acharnement à grignoter petit à petit le caractère laïc de nos sociétés. Ce n’est pas en permettant que des femmes se retranchent volontairement ou sous contrainte des conditions élémentaires de la vie sociétale, que l’on promeut l’intégration au sein du vivre-ensemble québécois. D’aucuns diront qu’accepter la burqa dans l’espace public n’est qu’une petite entorse au principe d’équité dans l’échange social et que vu le nombre de burqa, il n’y a pas de quoi s’alarmer. Je ne suis pas d’accord, accepter cette injustice faite aux femmes, c’est ouvrir la porte à des demandes similaires dans le monde de la santé, dans celui de l’éducation et finalement dans la totalité de l’espace public. Ces choses là me font penser à l’expérience bien connue de la grenouille qu’on met dans une casserole pleine d’eau froide et qu’on fait chauffer doucement. La grenouille, bien à l’aise au départ finit par mourir ébouillantée, parce que le changement de température est si insidieux que ses réflexes ont été engourdis au point qu’il finit par être trop tard pour elle de réagir. La bienpensance, c’est pareil, elle finit par provoquer la sidération et la castration des esprits pour reprendre les termes d’ Alain Finkielkraut.
Où nous mènent de tels acquiescements et de telles démissions, sinon vers une société dont l’espace public aura été irrémédiablement clivé ? La bienpensance de nos élites politiques et intellectuelles fait aujourd’hui prévaloir la liberté religieuse sur le principe d’égalité des hommes et des femmes ; quelle ironie, c’est au Québec que ces mêmes élites ont féminisé, avant tout autre pays, tous les titres professionnels ! Aujourd’hui : burqa, droit d’être desservi par quelqu’un dont le sexe est conforme aux obligations religieuses du demandeur, refus d’appliquer une partie des programmes requis par le ministère de l’éducation dans certaines écoles privées religieuses juives ultra-orthodoxes, pourtant subventionnées par l’État. Demain : tribunaux islamiques de la famille et tronçonnage de l’éducation dans l’école publique lorsque des élèves refuseront des cours contraires à leurs croyances. Toutes ces demandes ne sont pas imaginaires, elles sont sur la table et n’attendent que l’opportunité d’être actées. Si, comme la grenouille, on se laisse engourdir, on en arrivera à une libanisation de l’espace public.
Léon Ouaknine
Octobre 2009
L’auteur est membre du Conseil Interculturel de la Ville de Montréal. Il s’exprime ici à titre personnel.
[1] Scientific American.com, 14 octobre 2007, interview du Dr Zald.