La bienpensance des élites a mené l’Europe au bord du gouffre,

Leur mépris du peuple et de la démocratie y précipitera l’Europe

(Réflexions à partir du référendum suisse)

Préambule

Léon Ouaknine m’envoie régulièrement des textes qu’il écrit notamment  sur  » la bienpensance« . Ses textes sont le reflet de sa réflexion personnelle et sont travaillés de manière sérieuse et au mot prés, avec des références bibliographiques. C’est pourquoi, je les publie sur mon blog mais aussi parce qu’il me semble que ses textes nous permettent d’aborder de manière intelligente des faits politico-socio-culturels actuels et sans frontières. Sans frontières se lit dans les deux sens : sans frontières géographiques et sans frontières mentales; cette posture courageuse permet la mise en lumière (comme la révélation d’un négatif photographique)  d’attitudes et de comportements de nos élites « politico-intellectuelles » qui ne paraissent pas très « éthiques », dans le sens : « Je me précipite pour dire n’importe quoi » ou  » Je me crois le porte-parole et influenceur du politiquement correct » ou bien encore « Je surfe sur la vague du sensationnel et je leur donne ce qu’ils veulent entendre » . Je remercie Léon de sa franchise et de sa lucidité qui nous ouvre l’appétit non pas avec du pré-digéré sans analyse mais avec des ingrédinets frappés au coin du bon sens. Merci de bien vouloir apporter des commentaires et des contre-arguments. Mon blog est, avant tout, un espace de discussion.

Merci

 Guy Lesoeurs

 Les faits

Les suisses ont approuvé à 57.5% le 29 novembre 2009, l’interdiction de construire de nouveaux minarets en Suisse. Personne ne s’étonnera que le résultat sans équivoque de ce référendum ait créé un énorme choc ; il a tracé une ligne de démarcation entre les tenants du refus d’une islamisation rampante de la Suisse et les hérauts du refus de tout ce qui pourrait apparaître comme stigmatisant l’islam. La ligne de démarcation traverse la Suisse, elle traverse aussi chaque pays européen. Sans prendre position sur le résultat du référendum, celui-ci nous offre une occasion unique de réflexion sur sa signification pour la Suisse et plus largement pour les pays de l’Union européenne et même pour l’occident.

Les faits sont simples, la Suisse permet dans le cadre de sa constitution, l’exercice limité de démocratie directe au moyen du référendum à initiative populaire ; il suffit d’une pétition d’au moins 100.000 personnes provenant d’une majorité de cantons pour que l’État fédéral organise un référendum national dont l’issue aura valeur constitutionnelle si une double majorité de la population et des cantons répond favorablement à la question soumise. La question ici portait sur l’interdiction de la construction de minarets et non pas sur la liberté religieuse ou la liberté de construire des mosquées. À peu près toutes les élites politiques et intellectuelles de la Suisse appelèrent à voter contre la demande d’interdiction en la qualifiant de honteuse, d’immorale et de contraire aux droits de l’homme ; plusieurs cantons refusèrent même l’autorisation aux initiateurs du référendum d’apposer leurs affiches dans leurs lieux publics.

Dès que le résultat fut connu, il y eut un déchainement de passions pour et contre.

Du coté des applaudissements, il faut distinguer trois types de réactions : a] La réaction des partis d’extrême droite ouvertement anti-musulman, accueillant le vote suisse comme un exemple à émuler en France, en Angleterre, en Italie et ailleurs. b] La réaction des démocrates et des laïcs qui trouvent inique le refus islamiste des obligations découlant des chartes des droits et libertés, au premier chef, la reconnaissance de l’égale dignité de la femme et de l’homme. c] Enfin, la réaction quasi générale des peuples de l’Union Européenne, qui jugent inacceptable que le nouveau-venu musulman exige que la société d’accueil se transforme pour accommoder sa différence et non l’inverse. Il faut ajouter que les sondages suite à la votation suisse indiquent que face à la même question, ces peuples européens voteraient dans le même sens que les suisses.

Du coté de l’indignation, on doit noter une large vague de protestations de leaders gouvernementaux des divers pays de l’Union, de la majorité des intellectuels de gauche, d’organisations internationales comme l’ONU et l’OCI[1],  accusant le peuple suisse de racisme, demandant que le vote soit annulé juridiquement par la cour européenne des droits de l’homme et exigeant en sus que les suisses revotent. Certains éditoriaux allant même jusqu’à questionner le principe de démocratie directe qui donne au peuple un pouvoir exécutif réel, sans passer par les filtres des processus délibératifs chargés habituellement de tempérer les points de vue jugés illégitimes ou trop extrêmes au regard des normes civilisées. Le ton fréquemment hystérique des vitupérations, sous-entendant parfois qu’on assistait à une préfiguration de nouvelles lois de Nuremberg, laissait croire qu’on avait soudainement aboli des droits fondamentaux et ouvert la voie à la chasse aux musulmans. Comme il fallait s’y attendre, les parangons de la tolérance de l’Autre, de la démocratie et du respect scrupuleux des droits de l’homme, que sont l’Arabie saoudite, la Lybie[2], l’Egypte, l’Iran, la Turquie et quelques autres ont menacé directement ou indirectement la Suisse de graves conséquences[3] si elle n’annulait pas cette décision. À ce concert, le chef d’orchestre du double langage islamiste en Europe, le suave et très médiatique Tarik Ramadan a pour une fois exprimé ouvertement son appréhension en déclarant que ce vote était catastrophique. Bien entendu, presque toute la classe politique bienpensante européenne a emboité le pas aux admirables démocraties arabes et musulmanes, se faisant l’écho des ténors habituels de la bienpensance dans leur charge anti-suisse, tels les Daniel Cohn-Bendit et Bernard Kouchner. Vu la quasi unanimité des élites politico-médiatiques et de l’intelligentzia dans leurs charges à l’encontre de la position majoritaire du peuple suisse, on doit s’interroger : ‘le peuple suisse aurait-il commis un acte illégitime par delà sa légalité ?’

 Sur quoi se fonde la légitimité de certaines élites ?

En démocratie, peu importe la position sociale ou le niveau d’éducation du citoyen, la règle d’or, ‘un homme, un vote’ proclame que chacun a un égal droit politique à participer aux décisions qui affectent la cité.  Les constitutions codifient ce droit et assurent également que la majorité ne pourra pas tyranniser la minorité pour ce qui touche aux droits fondamentaux. Le peuple s’exprime indirectement au travers de ses représentants (devrais-je dire malgré les travers de ses représentants ?) ou au moyen de référendum. Bien qu’en démocratie, il n’y ait pas d’autre légitimité formelle que celle du peuple, Il existe toutefois un courant informel de pensée parmi de larges secteurs des élites intellectuelles et politiques, laissant entendre, qu’elles seules, de par leur statut d’élites, sont porteuses de la légitimité réelle, parce qu’elles seules disposent du savoir et des habiletés nécessaires pour assumer le destin des nations. C’est à partir de cette conviction susurrée mais interdite de formulation explicite que les élites imputent au système de référendum d’initiative populaire un caractère populiste et donc forcément démagogique, le peuple trop passionnel n’étant pas à même de maitriser la complexité des choses. Pour ces élites intellectuelles et politico-médiatiques, le référendum bien que légal est toujours illégitime sauf lorsqu’il vient conforter leurs choix. L’idée que des élites possèdent une légitimité intrinsèque n’est pas nécessairement fausse ; la question est de savoir quelles élites en disposent et lesquelles n’en disposent pas. Précisons immédiatement que nous entendons ici par élite, les représentants d’un champ particulier de l’activité humaine, ceux qui parlent avec autorité au nom de la profession qu’ils exercent. Cette définition ne renvoie pas à la notion classique économique, elle est délibérément restrictive et ne s’applique qu’à ce qui est abordé dans cet article.

Lorsqu’une élite, n’importe quelle élite s’exprime dans le cadre naturel de son domaine d’exercice, elle le fait en arguant de sa plus grande expertise ou plus grande légitimité que son contradicteur. Il est important de bien comprendre ce mécanisme. Parfois, l’affirmation est objectivement fondée, parfois elle est une manifestation crue de l’exercice du pouvoir, parfois elle relève du discours idéologique manipulateur. Nous sommes naturellement amenés à penser qu’en toutes choses, il y a des gens qui sont plus savants que d’autres dans leurs spécialités et qu’ils peuvent et doivent indiquer la voie correcte pour résoudre les problèmes qui surgissent. Lorsque nous sommes malades, nous ne questionnons pas sérieusement l’idée que le médecin se dit plus qualifié que nous pour savoir quoi faire pour alléger nos souffrances, de même qu’il ne viendrait à l’idée de personne que les plans techniques d’un gratte-ciel soient approuvés par référendum communautaire plutôt que par des architectes et des ingénieurs. Notre société est complexe et se distingue par l’extrême spécialisation des tâches et donc des connaissances nécessaires à son fonctionnement. Dans leurs domaines, les spécialistes, qu’ils soient  médecins ou conducteurs d’autobus parlent avec autorité et leurs avis ne peuvent être contestés que par leurs pairs. La question fort légitime de savoir si le spécialiste fera prévaloir ses intérêts personnels ou corporatistes sur l’intérêt général en manipulant la vérité, trouve sa réponse dans l’existence de pratiques vérifiables ou dans des connaissances reconnues comme vraies. Ces professionnels techniques jouissent donc d’une légitimité évidente parce qu’elle repose sur des bases objectives, la pratique de la conduite de gros autobus ou les connaissances scientifiques de la biologie de l’être humain. Si toutes les activités humaines  reposaient sur des bases objectives et scientifiques, ce serait idéal. La réalité est plus complexe. Le fait qu’il y ait des disciplines où les professionnels savent mieux que le commun ce qui est vrai ou ce qui est nécessaire[4], n’implique pas par extension qu’il en soit ainsi partout.

 Les élites politiques et intellectuelles qui font métier de dire le bien et les règles du vivre-ensemble sociétal, sont-elles porteuses d’une doxa dont la légitimité les exempterait du jugement du peuple ?

Les politiciens professionnels, spécialistes de la conduite des sociétés, possèdent-t-ils un savoir objectivement fondé, leur permettant légitimement de savoir mieux que le peuple ce qui est bon pour le peuple ? Peut-on dire dans la même veine que les élites intellectuelles qui souvent se présentent comme les maîtres à penser de toute une génération, voire de deux ou trois, disposent d’une lucidité hors du commun leur permettant de dire en tout temps et le bien et le vrai ? La réponse aux deux questions est un ‘non’ clair et définitif. François Mauriac s’étonnait en 1967, du « sacerdoce » que s’attribuent les penseurs qui, disait-il, revendiquent « le droit d’enfler la voix au nom de la conscience humaine comme s’ils en étaient l’incarnation »[5] Rappelons-nous cette époque encore si proche que décrit la revue chrétienne « Permanence », « Or, comment oublier qu’à quelques rares exceptions près, l’establishment intellectuel fut en France complice du totalitarisme le plus tyrannique que le monde ait connu : le communisme. Que des intellectuels de grand renom – dont la responsabilité paraît d’autant plus grande que leur talent était incontestable et leur influence considérable de par le monde – se firent les apologistes ou les propagandistes zélés de la barbarie communiste en URSS, en Europe de l’Est, à Cuba, au Vietnam, au Cambodge… Que certains ont osé nié ou se sont efforcés d’occulter les crimes dont ils avaient connaissance, que d’autres ont tenté de les justifier et que le plus grand nombre s’est contenté de se taire en détournant pudiquement le regard… A tous ceux-là on est tenté de poser la question qu’en 1945 un procureur chargé de l’épuration lançait à Robert Brasillach (qui fut exécuté pour ses écrits antisémites et collaborationnistes) : « de combien de crimes serez-vous le responsable intellectuel ? » »[6]. Aujourd’hui, on est de nouveau en droit d’interpeller l’élite intellectuelle dans sa complaisance vis-à-vis des fossoyeurs de la liberté de conscience, lorsque sous couvert d’antiracisme et de refus de l’islamophobie, ils ne dénoncent pas les horreurs de Durban II ou qu’ils fustigent le vote suisse à l’instar de Cohn-Bendit. Quant aux élites politiques, elles ont chanté pendant des décennies auprès des peuples européens, la nécessité absolue de ce que j’appelle les trois grandes orientations interconnectées que sont, l’édification de l’Union européenne, la mondialisation (ou libéralisation des échanges commerciaux et des capitaux) et l’immigration. Légitimes ou pas, ces trois orientations dont on n’a pas fini de goûter aux conséquences, n’ont jamais fait l’objet de véritables consultations populaires, à l’instar du débat en France qui mena à l’interdiction des signes religieux ostentatoires dans les écoles publiques. Cette décision[7] recueillit l’adhésion de 85% des français, garantissant de ce fait l’expression de la volonté nationale plutôt que celle des élites. Ce n’est pas ici le lieu où juger du bien fondé de ces grandes orientations, mais je suis sûr d’une chose, elles furent imposées aux peuples par les élites, que les peuples y adhèrent ou pas. Le processus de la construction européenne est de ce point de vue exemplaire. Rappelons brièvement qu’en France, la majorité des politiciens de gauche comme de droite avait invité les citoyens à voter dans le bon sens lors du referendum sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe, signé par les chefs d’États le 24 octobre 2004. Après les échecs des référendums français et hollandais, une nouvelle mouture, laissant quasiment intactes les principales dispositions de la proposition initialement rejetée, refit surface sous la forme du traité de Lisbonne du 13 décembre 2007. Cette fois, partout où les gouvernements pouvaient éviter l’obligation référendaire, ils l’ont fait, préférant l’adoption par leur parlement, pour éviter le verdict du peuple, ce que fit sans honneur la France. Même David Cameron le leader tory du Royaume Uni qui avait juré que ce traité ne serait adopté que si le peuple y consentait par référendum, a trouvé une échappatoire pour se soustraire à ses engagements. Cette incassable conviction des élites politico-médiatique, qu’elles sont plus que le peuple porteuses de légitimité quant au devenir de l’Europe, trouve sa plus parfaite expression dans  les propos de Cohn-Bendit et de Kouchner à l’occasion du crime de lèse-bienpensance du peuple suisse.

 Les réactions de Cohn-Bendit et de Bernard Kouchner, exemples emblématiques de la pensée unique des élites politiques et intellectuelles européennes.

Tout d’abord, soulignons que ces deux leaders font partie depuis des lustres de l’intelligentzia européenne et de l’élite politique européenne, car si Cohn-Bendit, célèbre pour sa participation très médiatisée aux évènements de mai 68 en France, n’a jamais occupé de fonctions ministérielles, son influence au titre d’intellectuel et de député européen et chef des verts n’a pas été absente des calculs politiques des gouvernants de France et d’Allemagne, les deux poids lourds de l’Europe. Quant à Kouchner, un ancien fondateur de Médecins sans frontières, ex ministre socialiste et présentement ministre des affaires étrangères de Nicolas Sarkozy, son influence politique et médiatique est grande, non seulement en Europe mais également sur la scène internationale, ayant été le représentant de l’ONU chargé de gérer le Kosovo jusqu’à l’accession de celui-ci à l’indépendance. Bref, plus élites intellectuelle et politique que Cohn-Bendit et Kouchner, on meurt.

Suite à la votation suisse, Daniel Cohn-Bendit a proféré deux énormités, d’abord en enjoignant aux Suisses sur un ton péremptoire « qu’ils devaient revoter[8] ! » et en appelant de ses vœux des réactions musclées contre les suisses, « L’Arabie saoudite et les autres déposants doivent retirer leurs fonds des banques suisses[9] ».  Le cri du cœur de Cohn-Bendit en dit long sur son respect pour la démocratie. Le peuple suisse a parlé dans le respect intégral de sa constitution, mais le résultat déplait, le peuple doit donc revoter. Qu’arrivera-t-il si le peuple réitère ce qu’il a déjà dit ? Le démocrate Cohn-Bendit a pointé du doigt ce qu’il fallait faire pour empêcher l’inconcevable ; tout simplement appeler au secours de la bienpensance européenne, le shérif aux gros muscles financiers, l’Arabie saoudite ! Il supplie celle-ci de retirer ses fonds des banques suisses. Entendons-nous, il s’agit bien de l’Arabie saoudite, cet exemple lumineux de démocratie et de respect des droits de l’homme, qui a récemment condamné à 90 coups de fouet une jeune fille qui s’était faite violer par plusieurs hommes au motif qu’elle roulait en voiture avant le viol avec un homme qui n’était ni son père ni son mari. Il s’agit bien de l’Arabie saoudite dont le même tribunal a accru la peine de la jeune fille de 90 à 200 coups de fouet parce qu’elle avait eu l’audace de faire appel de cette décision[10]. Il s’agit bien de l’Arabie saoudite qui il y a encore quelques années annonçait dans ses sites internet que le pays était interdit aux juifs. Daniel Cohn-Bendit a méchamment déraillé et Nicolas Sarkozy, plus astucieux, a trouvé de meilleures formules pour exprimer l’essence de la bienpensance dans un éditorial publié récemment dans le journal Le Monde, lorsqu’il parle de la souffrance réciproque de ceux qui arrivent et de ceux qui accueillent, comme si celui qui arrive avait un droit naturel à exiger  que le pays qui l’accueille se conforme à son image et à son identité de musulman. Quant à Bernard Kouchner, il déclare être « un peu scandalisé ». Le ton est un peu plus prudent, on le comprend après la raclée publique qu’il a reçue, lorsqu’il avait fait sa sortie outragée contre la décision des suisses, encore eux, qui avaient osé arrêter son ami, le cinéaste Roman Polanski pour le viol d’une petite fille de 13 ans, erreur insignifiante et remontant à tant d’années ; comme son collègue ministre Fréderic Mitterrand, il trouvait scandaleux qu’on vienne ainsi importuner un aussi célèbre créateur !

Comment interpréter cette votation suisse ? Bien évidemment, au-delà des minarets, simple prétexte, c’est la constatation de l’insolubilité de l’islam dans la démocratie et encore plus de son incompatibilité[11] avec la laïcité, qui fait problème. Mais il y a autre chose, on ne secoue pas impunément des identités enracinées chez elles depuis des millénaires. Si pour certaines élites l’idée de nation est nauséabonde, elle demeure pour l’immense majorité des citoyens, un besoin charnel, car elle est le véhicule premier de l’identité, d’autant plus nécessaire que la mondialisation vise à transformer le citoyen en simple consommateur et désavoue de ce fait son besoin d’enracinement culturel et identitaire. Nier cette soif identitaire est aussi absurde que de prétendre que le vivre-ensemble peut s’accommoder de propositions aussi mutuellement exclusives que la liberté d’expression et l’islam. Mais je ne veux pas caricaturer les positions des élites, elles ne sont pas toujours et nécessairement arbitraires ; en fait, elles partent souvent de bons sentiments, quelquefois honorables et il est important de comprendre ce qui les fonde. A l’issue de la deuxième guerre mondiale, les leaders politiques et intellectuels de l’Europe ont voulu l’unification du vieux continent pour empêcher la répétition des horreurs passées et assurer sa reconstruction rapide. C’était un objectif louable et pour le réaliser, l’Europe a importer de la main-d’œuvre provenant majoritairement des anciennes colonies et de la Turquie et ouvert en grand les vannes de l’immigration sans mesurer l’immensité des effets non prévus. Or, l’arrivée très rapide de millions d’immigrants musulmans sans un véritable processus d’intégration respectant l’identité des pays d’accueil était une véritable folie. Les élites ont procédé parce qu’elles considéraient que leur consensus ne requéraient pas celui des peuples, et parce que pour reprendre les termes de Christopher Caldwell, l’auteur de Reflections on the Revolution in Europe: Immigration, Islam, and the West[12] « Les politiques libérales d’immigration (européennes) reposaient sur des obligations morales non sujettes au vote ».  Il eut mieux valu que les peuples votent car cela aurait probablement permis de ralentir les flux migratoires et faciliter de ce fait une meilleure intégration. Au-delà de son souverain mépris du peuple, l’élite a montré un tel déficit d’intelligence quant aux conséquences à long terme de ses actions, que l’idée d’une quelconque prétention à savoir mieux que le peuple ce qui est bon pour le peuple, en devient risible. Malraux écrivait déjà le 3 juin1956, les lignes prémonitoires[13] suivantes «C’est le grand phénomène de notre époque que la violence de la poussée islamique. Sous-estimée par la plupart de nos contemporains, cette montée de l’islam est analogiquement comparable aux débuts du communisme du temps de Lénine. Les conséquences de ce phénomène sont encore imprévisibles. A l’origine de la révolution marxiste, on croyait pouvoir endiguer le courant par des solutions partielles. Ni le christianisme, ni les organisations patronales ou ouvrières n’ont trouvé la réponse. De même aujourd’hui, le monde occidental ne semble guère préparé à affronter le problème de l’islam »

Il reste à expliquer le divorce de perceptions quant au ressenti identitaire entre les peuples et leurs élites politiques et intellectuelles. Ce divorce repose d’abord sur les nouvelles tables de la loi de la bienpensance des élites – bons sentiments, conscience malheureuse de l’occident, culpabilité, relativisme culturel menant au cul de sac du multiculturalisme, racisme inversé qui fait rendre acceptables les horreurs commises au nom de l’islam mais inacceptable la détermination israélienne[14] à continuer d’exister, tolérance molle qui accepte tout et n’importe quoi[15], diabolisation de ceux qui en France, en Allemagne, en Belgique, en Hollande, au Danemark et ailleurs, réclament que la laïcité réoccupe les territoires perdus, etc. Ce divorce repose ensuite, au-delà du vade mecum de la pensée unique, sur le constat que les élites ne vivent pas dans le même monde que le commun. Elles vivent dans une bulle, celle des beaux quartiers, elles vont de think-tank en chargé de mission ministérielle, de conférences en colloques internationaux, heureuses de se penser porteuses de l’universel, alors qu’elles ne portent que leurs intérêts particuliers, elles circulent en voiture, pas en métro, elles ne subissent jamais les agressions verbales et pires auxquelles s’exposent dans les cités de banlieue, les jeunes filles musulmanes qui refusent de se voiler. L’indécrottable conviction des élites politiques d’avoir toujours raison contre la vox populi les conduit évidemment à un refus de la démocratie ; elles préparent ainsi le lit où l’Europe va devoir se coucher. L’avenir s’annonce sombre, car comme le dit  avec justesse Ross Douthat[16], un éditorialiste du New York Times «du fait de la folie de ses leaders, qui ont décidé de tout sans consulter leurs concitoyens, l’Europe a raison d’avoir peur et ce pour encore de longues années »

 

Léon Ouaknine

Essayiste, Membre du Conseil Interculturel de Montréal

12 décembre 2009

 


[1] Organisation de la Conférence Islamique regroupant les 57 pays musulmans de la planète. 

[2] Le dictateur libyen, Kadhafi a même récemment demandé à ce que la Suisse soit dissoute, suite à l’arrestation de son fils pour coups et blessures infligés à ses domestiques. 

[3] La Suisse a renforcé la protection de ses ambassades et consulats dans tous les pays musulmans, craignant une répétition de l’hystérie qui suivit la publication des caricatures danoises.

[4] Ce qui ne veut pas dire par exemple que face à l’expertise du médecin, un patient n’ait pas le droit de refuser un traitement pour des raisons qui ne regardent que lui. La décision du patient doit être respectée même si la prescription du médecin est objectivement fondée quant à son objectif vis-à-vis de la maladie.

[5] François Mauriac, « Mémoires politiques », Grasset 1967

[6] Extrait de la revue Permanences N°301

[7] La loi Stasi

[8] Letemps.ch 2 décembre 2009

[9] idem

[10] Devant les réactions internationales, le roi d’Arabie saoudite avait suspendu les coups de fouet.

[11] Le 10 janvier 2008, quatre cents organisations musulmanes ont adopté une charte islamique européenne qui précise, entre autres : « Lorsque les lois en vigueur s’opposent aux pratiques et règles islamiques, les musulmans sont en droit de s’adresser aux autorités pour expliquer leurs points de vue et exprimer leurs besoins. » Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire, sinon annoncer des demandes de dérogation à la loi publique et pourquoi pas la désobéissance civile pouvant mener aux fatwas terroristes.

[12] «That liberal immigration policies “involve the sort of nonnegotiable moral duties that you don’t vote on.” Christopher Caldewell. Reflections on the Revolution in Europe: Immigration, Islam, and the West. New York, Doubleday, 2009

[13] André Malraux, 3 juin 1956, dans Dossier : Un siècle religieux, paru dans Valeurs Actuelles n° 3395

[14] Ce qui n’excuse absolument pas la politique vis-à-vis des territoires occupés du gouvernement israélien

[15] La polygamie musulmane est devenue un problème en Suède, les mosquées radicales sont florissantes en Grande Bretagne, certains lieux publics en France sont littéralement annexés pour des prières communautaires le vendredi, avec barrières érigées pour bloquer la circulation, etc.

[16] New York Times, 7 décembre 2009

Léon et Stéphanie Ouaknine et leur dernier ouvrage
Léon et Stéphanie Ouaknine et leur dernier ouvrage
Vous avez aimé cet article ? Faites-le savoir...

La rencontre des cultures au Québec :

 

 

Léon Ouaknine signant son dernier ouvrage
Léon Ouaknine signant son dernier ouvrage

 Lorsqu’une culture essaie de s’enraciner chez l’autre, le dialogue ne se déroule pas dans un salon mais dans la vraie vie, dans l’usage partagé des équipements publics, dans le monde du travail, dans les écoles, dans les hôpitaux, dans l’arène publique, dans les média, bref dans le quotidien de la vie commune avec la culture d’accueil. Cela ne se fait pas sans difficultés. C’est pourquoi le dialogue des cultures d’ici et d’ailleurs s’avère non seulement désirable mais impératif si on veut éviter d’éventuels débordements xénophobes.  Mais le dialogue ne sera fécond que si les protagonistes parlent vrai, sinon ce sera l’enlisement dans les sables mouvants de la bienpensance, avec comme conséquence attendue, le réveil brutal comme la Suisse le découvre au détour d’un référendum.

Il faut bien comprendre qu’un dialogue des cultures ne ressemble en rien à un échange intellectuel parce que chaque culture a un fond irréductible d’irrationalité, indissociable de ses mythes et de ses valeurs. La culture n’est pas une proposition intellectuelle, c’est avant tout une identité. S’il fallait en donner une image, je dirais que la rencontre des cultures, c’est comme la rencontre de deux personnes, ce qui déterminera leur compatibilité et le plaisir qu’elles auront à dialoguer, ce sera leurs affinités et ultimement leur compatibilité, c’est-à-dire leur convergence sur les valeurs essentielles de la vie commune.

Le législateur a inventé la notion d’accommodements pour permettre à « l’Autre » de s’insérer dans un tissu sociétal qui lui est souvent étranger par quelques aspects. L’accommodement doit être raisonnable, ce qui signifie qu’il ne doit en aucun cas porter atteinte aux valeurs profondes et à l’identité de l’accueillant. L’accommodement, du point de vue de celui-ci, a pour vocation de faciliter l’intégration de l’autre dans son espace sociétal qui n’est pas vide d’identité. Cet accommodement ne peut être indéfini de même que toute politique de discrimination positive ne peut être que temporaire et non permanente sous peine de venir nier sa véritable raison d’être.

Cette approche généreuse est fondée sur un énorme malentendu, parce que la politique de multiculturalisme présuppose tout d’abord que sur un plan philosophique toutes les cultures se valent et que par ailleurs même au sein de l’espace identitaire de la société d’accueil, les pratiques du nouveau venu disposent d’une égale légitimité à reconfigurer le cadre sociétal du pays. Comment interpréter autrement la recommandation, il y a quelques années, du commissaire aux droits de la personne de l’Ontario, de faire droit aux demandes de création de tribunaux islamiques de la famille.

Or, l’accommodement aux valeurs et aux pratiques de l’Autre, a également un effet réel même s’il est difficilement quantifiable, sur l’espace psychologique nécessaire au confort existentiel de celui qui doit accommoder. En effet, comme pour tout individu, il y a pour toute culture, un « dedans » et un « dehors » une sorte de peau qui définit un intérieur et un extérieur physique et psychique, une frontière entre le soi et l’autre.  En occident, le dialogue avec l’autre se déroulait jusqu’au siècle dernier loin du centre de la culture d’appartenance des protagonistes ; soit aux marges de l’empire, dans les colonies ou intellectuellement dans les salons de l’élite ou par l’entremise des explorateurs – l’autre, c’était par définition l’exotisme, comme l’a si bien souligné Montesquieu avec son livre « comment peut-on être Persan ». Lorsqu’on cessait de dialoguer avec l’autre, on était instantanément replongé chez soi, dans son « dedans » ; le miroir ne renvoyait que le reflet de soi. C’était rassurant !

Sous l’effet de la mondialisation, les multitudes de l’autre, donc leurs cultures, se trouvent soudainement transplantées au cœur de mon chez-moi, ils ne sont plus « dehors », ils sont « dedans » ; la présence de l’autre, d’exotique devient envahissante, et le miroir à chaque coin de rue me renvoie un reflet d’une inquiétante étrangeté ; suis-je toujours chez moi ?

Les sociétés occidentales sont de plus en plus multiculturelles, multiethniques, multi religieuses ;  l’Autre qui prend racine chez moi, revendique et affirme sa différence ; il demande et parfois exige que la culture d’accueil se transforme pour accommoder ses valeurs et son particularisme.  Il y a de ce fait de moins en moins de « dehors » et de « dedans » et cette dissolution des limites secoue durement le cadre de références sociétal qui régit les rapports avec l’autre.  On aime que notre milieu de vie soit un prolongement de notre identité, un reflet de soi même, la société comme chez-soi est sinon une nécessité, du moins un désir comme tous les exclus sociaux le savent.  Tout cela est profondément anxiogène et explique le sentiment rampant de malaise  dans de nombreux pays occidentaux dont le Québec.

Nous sommes donc, à l’instar de la plupart des pays européens, un composite multiculturel, interpellés au quotidien par les aspérités du « vivre-ensemble ».  Les journaux se font sans cesse l’écho des ajustements que les communautés immigrantes requièrent de la société d’accueil au titre des « accommodements raisonnables ». 

Le bon sens  appelle au dialogue des cultures en présupposant du désir des tenants de chaque tradition ou culture, d’éliminer de leurs rapports tout conflit possible. Cette aspiration louable use inévitablement de la langue de bois parce qu’elle est condamnée à ne jamais nommer la réalité, sous peine de froisser ou même de blasphémer. Cette approche s’appuie implicitement sur certaines présuppositions erronées ;

La première erreur est de croire que l’existence de valeurs communes entre les cultures en dialogue est une garantie de bon voisinage et de compréhension.  C’est assez fréquemment l’inverse.  L’islam et le christianisme ont plus en commun entre eux – la notion d’un dieu transcendant – qu’avec le bouddhisme qui récuse cette même notion ; pourtant ils sont plus en mode de compétition entre eux qu’avec le bouddhisme.

la deuxième erreur, c’est d’ignorer que la culture n’est pas un construit rationnel, mais un ensemble inextricable d’affects, de croyances et de comportements inconscients, imperméables habituellement à la raison parce que la culture est une identité !

La troisième erreur est de croire que l’on peut vivre sans conflits.  Quelle illusion ! L’état de conflit est indissociable de l’humain[1].

Chaque culture a quelques valeurs originelles qui dictent ce qui est bien et mal, ce qui est vrai et faux, ce qui est licite et illicite, ce qui est désirable et ce qui est à proscrire, bref ces valeurs configurent l’expression physique et morale du « vivre ensemble » de ses membres. Malheureusement pour l’harmonie du monde, les valeurs originelles des différentes cultures sont souvent mutuellement exclusives.  À titre d’exemples, comment dialoguer pour une culture comme l’Islam, qui proclame l’unicité absolue et transcendante de Dieu, avec une culture comme l’Hindouisme, qui proclame l’existence de plus de 300 millions de divinités ; l’une regarde l’autre comme un blasphème, chacune affirme l’évidente erreur de l’autre ; l’une réprouve absolument l’abattage des vaches, l’autre ne voit aucun inconvénient à les manger.  En Europe, le suisse Tarik Ramadan[2] a suggéré en novembre 2003 aux docteurs de la loi[3] un moratoire sur la lapidation de la femme adultère mais a refusé d’en demander l’abrogation pure et simple ; un autre imam à Lyon en France revendique au nom de la religion le droit d’affirmer publiquement que la femme adultère doit être lapidée. Comment imaginer que dans un pays adhérent à la charte des droits et libertés, on puisse jamais accepter de telles assertions et pratiques sans déroger aux valeurs les plus fondamentales de la charte ? Nous avons nos propres démons et déments qui ne supportent pas que la femme puisse s’affirmer sans restrictions, comme le massacre de l’école polytechnique il y a vingt ans nous l’a douloureusement rappelé, alors ne donnons pas droit de cité à ceux d’une religion qui consacre officiellement par décret divin, l’infériorité de la femme.

Il n’y a pas de dialogue possible et fécond entre cultures hors de la garantie par l’État des libertés fondamentales et du respect de ces droits par tous.   

Pour pouvoir dialoguer avec leurs vis-à-vis, les progressistes au sein de chaque culture vont devoir introduire les notions de modérés et d’extrémistes ; les extrémistes sont les fondamentalistes dont une minorité dérive vers le terrorisme pour imposer ses vues suprématistes ;  les modérés sont les tenants du dialogue, ceux qui cherchent les solutions raisonnables.  Or les modérés ne peuvent dialoguer qu’en mettant de coté certains de leurs  préceptes doctrinaux, c’est-à-dire des croyances et valeurs constitutives de leur culture.  De la même façon qu’on arrive maintenant à inactiver certains gènes délétères chez l’animal, les modérés, pour être modérés, n’ont d’autre choix que de rayer de la carte génétique de leur culture, temporairement ou définitivement, certains de leurs fondements sacrés.

La culture occidentale, minée par le relativisme et la conscience malheureuse de son passé hégémonique  recherche les compromis au nom du respect louable de la différence de l’autre. Elle se réfugie dans une forme de tolérance molle, en appelant à des accommodements souvent mal pensés, qualifiés fréquemment et improprement de raisonnables, visant par lâcheté politique à acheter une paix illusoire, une paix bancale pour avoir fait l’économie d’un débat indispensable.  L’effervescence actuelle en témoigne, les présentes politiques de multiculturalisme sont maintenant ouvertement contestées en Suisse, en Angleterre, en Hollande, en Italie, dans les pays nordiques, en France ainsi qu’au Canada et au Québec. 

Au Québec, dans pratiquement toutes les situations où des « accommodements » ont été requis par les communautés culturelles, la dimension religieuse était au centre du litige ; en fait, on peut presque affirmer que le débat sur la nature du multiculturalisme québécois est un débat sur l’accommodement des religions au sein de l’espace public de la nation et que le mot culture sert de paravent au mot religion.

Dieu ne parle pas d’une même voix à tous ceux qui l’écoutent ; si cela était, on le saurait. Babel est plutôt la norme ! Or comment instaurer le vivre-ensemble dans une nation si on ne dispose pas d’une compréhension commune du bien commun. Seule la raison est capable de produire un dénominateur commun, seule elle permet un regard critique sur tout, puisqu’elle ne reconnaît aucun territoire interdit, telles les vérités révélées de ceux qui parlent aux multiples divinités. Comment concilier alors le respect des particularités de chacun, des multiples cultures, religions, modes de vie, avec la nécessité d’un lieu commun où tous peuvent se retrouver ?

La réponse de l’Occident, c’est bien sûr le principe de laïcité, la séparation de l’Eglise et de l’Etat.  L’une parle du salut, l’autre de la raison en marche. D’un coté les espaces identitaires privés – domaine d’expression libre des choix individuels et des communautés religieuses et culturelles – de l’autre un espace public doté d’une essence universelle, d’un savoir-être commun à tous.  Il va de soi que seul l’espace public peut être porteur des valeurs chargées de maintenir l’unité et la cohérence de la collectivité nationale, depuis que celle-ci n’est plus monolithique dans son identité. Ces valeurs communes quoique se voulant de portée universelle, ne peuvent toutefois émerger que de coutumes propres à une société historiquement constituée, c’est-à-dire spécifiques à une identité non universelle.  Cette identité particulière va au cours du temps servir de matrice au développement de l’espace public de cette société, espace public certes dégagé de sa gangue religieuse mais dont l’identité originelle est ineffaçable.   Les structures et les codes implicites de fonctionnement de l’espace public d’une société reflèteront donc l’éthos du peuple fondateur – méritocratie américaine, différentialisme aristocratique anglais, élitisme égalitaire français, pragmatisme flou du Québécois… – La laïcité n’implique pas le renoncement à son histoire ; les églises ne sont pas des espaces publics, cela ne les empêchent pas cependant d’être simultanément des lieux de cultes et des monuments historiques, témoignant de la continuité civilisationnelle du peuple qui les a édifiées.

Le grand débat culturel de l’heure, c’est évidemment de savoir si en occident, l’islam est compatible avec la laïcité.  Les tensions sont vives face aux multiples requêtes de transformation de l’espace public, de la part de certains groupes musulmans, comme la demande de réserver certaines plages horaires aux femmes dans les piscines municipales ou exigeant des lieux de prière dans les établissements publics, sous peine de poursuites judiciaires comme ce qui advint avec l’École Supérieure de Technologie de Montréal.  Ce débat est-il spécifique à certaines cultures dont  l’islam ?  Il semble que l’intégration des chinois en occident ne soulève pas ce type de difficultés, en effet  malgré l’importance de leur communauté, aucune friction de ce genre n’a émergé entre les Parisiens et les 500.000 chinois de la grande agglomération.  Probablement parce que ceux-ci ne contestent pas le principe de laïcité des institutions publiques, soit la séparation de l’Église et de l’État, autrement dit la distinction entre sphère privée et sphère publique.

 

 

 

 

Léon Ouaknine

 

Consultant

Ex DG d’établissements de santé et de services sociaux au Québec

Ex Directeur du diplôme universitaire de qualité en santé Faculté de médecine, Kremlin-Bicêtre, Université Paris-Sud, France

 

 

 


[1]Dr Samir Mouny, l’Autre 2002 « Penser l’ennemi »

[2]Célèbre intellectuel suisse musulman , professeur invité dans de nombreuses universités, petit-fils du fondateur de la confrérie des frères musulmans en Egypte Hassan El Bana.

[3]Cette demande de moratoire fut refusée par les docteurs de la loi.

Vous avez aimé cet article ? Faites-le savoir...

Qui est qui? Où ?

Burqa 1, collage GEHEL
Burqa 1, collage GEHEL

A propos de la présence de l’acteur Xavier Deluc, scientologue (?) dans le jury de Miss France
Les gens croient ce qu’ils veulent et cela ne me dérange pas à partir du moment où ils respectent les individus, leur intégrité physique et morale.
Ainsi, je m’élève contre (liste en vrac et non exhaustive) l’intégrisme, les pratiques d’excision, le port de la burqa, le refus de la transfusion et du don d’organes. Je m’élève aussi contre les manipulations psychiques, l’exploitation de l’individu, le fait de laisser travailler des gens et de pas leur donner de papiers, la corruption des Etats et des fonctionnaires, les rentes de situation, les conflits d’intérêts non déclarés, le racisme ordinaire, l’appellation de primitif (à part pour les maîtres Flamands et encore), la deforestation, les éoliennes et l’escroquerie (tiens les deux se retrouvent ensemble!) généralisée, l’imposture… la liste est longue mais nous en ferons un livre, mon cher Léon.
En tout cas, je dénonce l’esprit sectaire…
mais ….je suis pris comme beaucoup à mon propre piège de républicain laïc ou laïque (vous savez bien liberté, égalité, fraternité). Attaquer ceux qui manipulent les individus et qui les ponctionnent sans vergogne serait un « bon » combat si ce n’est qu’en le faisant je les fais passer pour victimes de mon intolérance.

Burqa 2 Collage GL
Burqa 2 Collage GL

Si je devais aller jusqu’au bout de mes convictions je ne devrais plus aller voir Tom Cruise mais il se trouve que je l’aime bien en tant qu’acteur. Je n’ aurais jamais dû aller voir Yves Montand au temps où il était communiste, je n’aurai jamais dû lire Alexis Carrel ni CG Jung, un peu nazillons et eugènistes sur les bords, je n’aurais jamais dû étudier Napoléon au Lycée,  etc…. (mais oui je suis bien conscient que je mélange tout)

Sincèrement, je me fiche qu’un membre du jury de l’élection de Miss France soit scientologue. Cela n’a vraiment aucune importance pour cette pantalonnade à deux balles, subventionnée par on  ne sait qui.

Et comme cela n’est pas grave, sous le prétexte de se donner bonne conscience, on va en faire tout un plat. Cela serait plus grave pour d’autres « dossiers » politiques mais là on n’en sait rien.

Allez mon vieux Siné, je vais faire comme toi mais en moins bien, faire ma zone du dimanche matin.

Guy Lesoeurs

PS

1.Pour ceux et celles qui lisent mon blog, surtout n’hésitez pas à réagir. J’adorerais avoir des textes de vous dans ces colonnes.

2. Ligne éditoriale : Michel Lecourt qui me lit j’en suis sûr doit trouver que je m’éparpille trop…de l’Equateur au Coaching en passant par la laïcité et Montréal.

Vous avez aimé cet article ? Faites-le savoir...

Ciel! Tu ne réponds jamais et pour cause…

Léon et Stéphanie
Léon et Stéphanie

Léon Ouaknine, notre ami français du Canada, vient de publier aux Editions Grenier à Montréal :  » Il n’y a jamais eu d’abonné au N° que vous avez appelé! Conversations entre un père et sa fille » (285 pages, 19 dollars canadiens), un ouvrage que nombre de bien-pensants classeront dans les ouvrages iconoclastes ! Et ils auront bien raison, pour une fois !

Mais le livre de Léon va beaucoup plus loin que le pamphlet anti-clérical ou anti-Dieu , il est l’œuvre d’une pensée lucide au travail qui tente de démonter les effets malsains des croyances et des establishments religieux. Léon s’attaque aux croyances établies et aux idées reçues par les hommes d’un dieu qu’il soit chrétien, judaïque ou musulman.

Je ne dirai pas que Léon est athée car ce serait l’affubler d’une croyance, celle de l’inexistence de dieu (au passage, remarquez que je ne mets pas de majuscules au mot « dieu » ; non pas que je sois sous influence car Léon continue lui d’en mettre une- ce qui me semble un reliquat de respect même à l’inexistant- mais parce que je décide dans cet article de le prendre comme un objet et non comme un sujet).

Laïc : c’est le mot qui pourrait le mieux s’approcher de Léon à condition qu’on lui colle l’adjectif « raisonnable ». Léon est un laïc « plein d’usage et raison » qui est revenu … au Québec « pour vivre entre ses parents le reste de son âge » (du Bellay).

Voilà pour l’auteur. Quant à Stéphanie, sa fille, plutôt qu’un faire-valoir des idées de Léon, elle lui apporte par ses questions une réplique intelligente sans naïveté feinte.

Editions Grenier, Montréal
Editions Grenier, Montréal

Cet ouvrage est une vraie et belle thèse c’est-à-dire que Léon démontre pourquoi l’individu et le groupe ont eu besoin de religion « l’un des plus forts agents que l’humanité ait jamais inventé pour unir, solidifier et préserver les caractères spécifiques des groupements d’homo sapiens depuis ses débuts en petites bandes familiales jusqu’à la tribu et la nation » (p.79) . Léon analyse, avec sa fille, les preuves de l’inexistence de dieu et surtout en montre toutes les conséquences politiques, éthiques et civilisationnelles.  

Pour reprendre une phrase  célèbre à propos de la liberté : religion, que de crimes commis en ton nom ! De l’inquisition au jihad islamique en passant par les dragonnades qui poussèrent à l’immigration mes ancêtres (oui les miens) vers Saint Hélier et Londres !

« Quoi de commun entre les attentats contre des cliniques d’avortement aux Etats-Unis et le jihad islamique en Algérie ? Quoi de commun, si ce n’est le refus de la liberté de l’autre  au noms de valeurs sacrées, révélées en d’autres temps  et d’autres lieux, par les messagers de Dieu ! » (p.13)

A Stéphanie qui s’étonne : « les religions n’ont pas les mains nettes. Pourquoi malgré tout jouissent –elles d’une telle impunité ? » Léon répond « Pour deux raisons : d’abord parce que la religion agit comme une force de cohésion ethnocentrique de son  troupeau…[…] cette impunité tient à sa fonction d’intermédiaire pour l’obtention de l’absolution divine des actes mauvais. […] comment oser , dans ces conditions, interpeller la religion, intercesseur auprès du ciel , pour exiger qu’elle rende des comptes ; peu de gens s’y risquent. » (pp.80,81).

Il faut aussi dire, mon cher Léon, que l’histoire proche nous montre qu’en religion comme en politique, les pervers, les fanatiques sont ceux qui sont le plus facilement crus au détriment des gens de bon sens, ceux qui ne font pas de bruit. Les croyants, manipulés et soutenus par leurs prêtres extrêmists, se livrent alors aux pires excès. Je suis aussi déçu que Cabu par l’attitude on ne peut plus tiède des religieux qui savent faire la part des choses, et il y en a beaucoup.

  » Je suis frappé de voir, en ce qui concerne les musulmans, à quel point les modérés ne s’expriment pas et laissent faire des choses terribles en leur nom.  » Cabu, dessinateur. 

 Léon Ouaknine est donc un homme de raison et de savoir. Il écrit «  qu’il ne se cache pas d’un parti pris délibéré pour la raison sur la foi, pour la connaissance sur la croyance, pour l’éthique réfléchie  sur les catéchismes en tous genres. Ce choix n’est pas arbitraire. L’usage de la raison offre une prise argumentée du réel, ce que ne font pas les religions, réduites à la foi, aux incantations et aux prières. »

Dans un monde idéal fait de respect mutuel et de bonne entente entre les terriens, le fait de croire au sacré ne devrait pas altérer le jugement au point de commettre des crimes contre la liberté. Utopie de ma part ?

Dans sa conclusion, Léon va plus loin en opposant Dieu et la Raison (mettons des majuscules!) et il nous dit clairement que l’esprit humain traîne la religion comme un boulet depuis des temps immémoriaux et que cela va aujourd’hui encore l’empêcher de relever de nouveaux défis. Ainsi, s’affranchir de la religion devrait être faire partie le viatique pour le futur, pour un autre Etre humain.

Ton livre m’a breaucoup fait réfléchir … moi qui mets mon espoir en l’homme et qui pense que Dieu existe et qu’il est en nous… Le reste n’est qu’histoires de prêtres de toute confession et cela ne m’intéresse pas plus que les arguments pour ou contre les minarets à côté du château Frontenac, de la cathédrale de Bâle, du Musée du Louvre ou de la chapelle des Baux de Provence…A te lire, Léon..

 Guy Lesoeurs

Lancement du livre au Québec suivre…

http://www.lebruyant.com/index.php?option=com_content&task=view&id=286&Itemid=36&limit=1&limitstart=1

Vous avez aimé cet article ? Faites-le savoir...

Sarayaku… mon village avec sa forêt et sans pétrole(6)

Des enfants heureux

 

Tiré d’un texte de Corinne Arnould de l’Association Paroles de Nature

La déforestation est une réalité quotidienne pour les dernières communautés indiennes d’Amazonie : elle représente la mort de leur milieu de vie et la fin de leur culture. Parmi les causes, figure en bonne place l’exploitation du pétrole. 

Face à l’avancée des compagnies le peuple indien Kichwa de Sarayaku, en Equateur, a choisi de faire face. Depuis plusieurs années, il refuse obstinément toute pénétration sur son territoire afin de préserver son héritage naturel et culturel. Le projet de ce peuple a ainsi une portée universelle ; son ambition est la valorisation de ses traditions, de son mode de vie, de ses croyances, de sa culture…

Les menaces persistent : le 8 mai 2009, le Ministère des Mines et du Pétrole Equatorien a notifié la reprise des opérations d’exploitation des hydrocarbures dans les blocs 23 et 24 incluant les territoires du peuple Kichwa de Sarayaku et des communautés Achuar et Shuar de la Région Amazonienne.

Inspiré par les Yachaks (shamanes), le projet « Frontière de Vie » est la création sur le pourtour du territoire de Sarayaku, 300 kms de long et 135 000 hectares de forêt primaire d’une immense frontière d’arbres à fleurs de couleurs. Un symbole à valeur universelle émergera ainsi lentement de la forêt amazonienne, vivante incarnation du désir universel de paix et de protection de la Terre. Ce sera le message de tout un peuple, élan vital, expression de sa volonté farouche de préserver son mode de vie, mais aussi, de créer avec nous une vaste solidarité planétaire.

Une analyse réaliste de l’évolution des perspectives politiques et démographiques actuelles concernant les forêts primaires tropicales aboutit à la triste conclusion que, si rien n’est fait,  leur destruction généralisée est, à terme, inéluctable. L’exploitation forestière forcenée et l’extension de l’agriculture en sont les principales causes. Le déplacement et l’acculturation programmée des peuples autochtones, fins et légitimes connaisseurs des écosystèmes forestiers, nous prive du précieux savoir dont ils sont détenteurs.

Dix à vingt millions d’hectares de forêt amazonienne disparaissent chaque année. Disparition sans retour, car on ne sait pas reconstituer un écosystème forestier complexe.

Les peuples de la forêt sont les premières victimes de la destruction de leur environnement. Autrefois nomades, chasseurs et cueilleurs, leur prélèvement sur les ressources naturelles s’est toujours inscrit dans le respect des équilibres vitaux. Aujourd’hui, la modernité arrive avec tout le cortège des maux de notre civilisation. Perte d’identité, acculturation, alcoolisme, dislocation des cellules familiales et sociales sont ainsi devenu les maux quotidiens des hommes de la forêt. Quelques uns, cependant, ont décidé de réagir et de construire.

En attendant une prise de conscience globale de l’importance vitale que revêt la préservation des forêts primaires et des cultures qu’elles abritent, les initiatives de sauvegarde de ces patrimoines émanent d’associations qui luttent pour ne pas laisser se rompre les fils qui relient l’homme à la nature. Leur mission est d’importance.

Peut-être, grâce aux associations citoyennes, verrons-nous un jour un chamane amazonien couronné par un prix Nobel, au nom de sa tribu et de ses ancêtres, pour l’ensemble de ses connaissances botaniques et la sagesse des relations écologiques qu’il entretient avec son milieu. www.parolesdenature.org

Sarayaku, peuple de l’Amazonie équatorienne, lutte depuis 20 ans contre la destruction de son territoire et de sa culture par les compagnies pétrolières

•  Leurs droits élémentaires sont bafoués: violences extrêmes contre les personnes, destruction du territoire,…

•  Leur situation est emblématique des enjeux du pétrole : jusqu’où sera t-on capable d’aller pour sauvegarder notre mode de vie ?

•  Ses dirigeants sont placés sous protection d’Amnesty International ; la cause de Sarayaku a été validée par la cour Inter-Américaine des droits de l’homme

•  Le projet de ce peuple a ainsi une portée universelle ; son ambition est la valorisation de ses traditions, de son mode de vie, de ses croyances, de sa culture.

Sur RFI une émission sur Sarayaku …

Il est possible de télécharger le lien vers le fichier audio

Lien coté droit de la page : 

http://www.rfi.fr/contenu/20091125-2-sarayaku-peuple-contre-le-petrole

 Dernière minute : Copenhague : le Parlement Européen adopte l’amendement 62 concernant le droit de propriété collective et autonome des peuples indigènes.

De Rio à Copenhague, les dirigeants des pays ont tenté d’adopter des mécanismes permettant de limiter le changement climatique ce qui a entraîné des impacts négatifs sur les populations autochtones, peu ou mal reconnues dans leurs pays respectifs. L’essor des bio-carburants, par exemple, augmente la déforestation massive amazonienne pour des cultures intensives de colza. Ainsi, sous le prétexte de protéger la planète, des expropriations, des déplacements de populations hors de leur lieu de vie, la constitution de réserves  sont monnaie courante. Ce qui est le plus important : que les peuples autochtones soient consultés dans de vraies discussions pour organiser l’espace et leur permettre de gérer l’environnement avec les Autorités.

 « L’obligation imposée aux Etats d’organiser des consultations démocratiques des peuples autochtones lors la mise en place de projets sur leurs territoires s’est trop souvent conclue par de vastes fumisteries. Notre amendement pourra, nous l’espérons, permettre aux peuples autochtones de décider eux-mêmes de quels projets environnementaux ils souhaitent créer sur leurs territoires. » (Députée Européenne Catherine Grèze).

Vous avez aimé cet article ? Faites-le savoir...